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dimanche 10 juillet 2011

Islande : îles Vestmann et Reykjavik

Ce dimanche 3 juillet,
Voilà 24 heures que nous avons quitté les îles Féroé. 190 milles ont été avalés par Algol. De belles moyennes à 9 nds cette nuit avec des pointes à 11,7 nds, poussé par une belle houle et un vent soufflant entre 30 et 35 nds ; c’est qu’il en déplace de l’eau Algol avec ses 26 tonnes !
Conformément au fichier météo nous traversons le front de la dépression dans la nuit. Un super cas d’école ; nous rentrons dans une barre de nuages, le baromètre chute de 1 HP par heure, la visibilité tombe subitement et la pluie arrive. Radar en route, bien au chaud à l’intérieur (15°c) grâce au pilote, ce passage dure 6 heures. Seul le bruit sifflant de l’alternateur d’arbre d’hélice et celui des vagues sur la coque traduisent cette navigation  rapide.




Je fais mon quart avec Youenn de 4 à 7h00. Nous restons à l’intérieur devant les écrans et derrière les plexis du roof. Le bateau roule bien.
Pour la satisfaction et le sourire de l’équipage, le soleil est de retour à 9h00 et le baro reprend une route horizontale. La mer est très belle d’un beau bleu-vert. Le vent faiblissant, nous envoyons la trinquette et l’artimon, manœuvre qui génère un petit nœud supplémentaire à Algol.
Alors que j’écris, tout l’équipage est réveillé. Le poisson, filets de cabillauds, sur lit d’oignons, de pommes de terre avec tomates fraîches et citron embaume le carré en cuisant.
Jean-Baptiste, Brigitte et Jean-Yves jouent bruyamment aux dominos, Anne-Henri lit dans le carré, Youenn lit dans le cockpit et Bernadette somnole.
A table !
La mer s’est bien calmée, mais la houle reste majestueuse – c’est l’atlantique comme je l’aime-  le vent de SE souffle à 20-25 nds, Algol glisse à 6-7 nds,  le baro remonte doucement, et l’équipage prend le café dans le cockpit. Sujet de discussion, devinez quoi, le  menu du repas de ce soir!!
Ce temps, ce roulis rythmique accompagné d’accélérations, est favorable à  la détente, à la contemplation et à la méditation face à un océan majestueux.


Ce lundi 4 juillet
Il est 00h30. Il fait jour et la température extérieure est de 8°c, 16°c dans le bateau. Le vent semble se maintenir nous poussant en route directe vers les Vestmann, à 120 milles. L’ETA (Estimated Time Arrival) est prévue ce soir à 22h00 si nous maintenons notre vitesse de 6 à 7 nds. Ce serait bien, nous permettant ainsi de passer plus d’une journée sur l’île. Ça roule toujours (une main pour la souris ou le clavier, l’autre pour tenir la table !), l’océan est gris et les nuages ont envahi le ciel. Le temps du repas une petite bruine est venue humidifier le pont.
Nous passons peu de temps sur le pont. Aujourd’hui, alors que nous nous rapprochons des côtes islandaises, nous aurons peut-être l’occasion d’observer des cétacés. Il faudra scruter la surface de l’océan. Une baleine ou des dauphins pour nous accueillir me plairait bien !!
Nous longeons la côte sud de l’Islande, à 12 milles, sans la voir et sommes à 45 milles des Iles Vestmann. Le vent souffle toujours de SEE, nous poussant à 6-7nds un peu au sud de la route. Voiles en ciseaux, la latitude de cap est faible. Le vent refusera-t-il assez pour nous ramener sur la route directe ou faudra-t-il empanner. Je pressens la dernière solution, qui nous rallongera un peu la route. Ca nous fera aussi un peu manœuvrer, chose que nous n’avons pas faite ces 30 dernières heures hormis quelques réglages. Le temps est très humide, le ciel et l’océan gris. Le vent souffle à 20-25 nds, la houle entretient un roulis permanent.
Nous mettons le groupe électrogène en route pour recharger les batteries, faire de l’eau chaude pour la vaisselle et  les futures douches, à moins que nous attendions d’arriver. De toute façon, la piscine d’eau chaude est au programme de demain, l’occasion de faire un gros nettoyage corporel.
Cette nuit nous avons croisé des gros chalutiers de 40 à 55m. Ils tractent leur chalut derrière eux à une vitesse de 4nds.
Ce matin des fulmars ont entourés le bateau. Se sont joints à eux des grands labbes, marron foncés avec des taches blanches, peu sympathiques à la silhouette massive et à l’envergure pouvant atteindre les 1,5 m. Ce sont des oiseaux parasites qui obtiennent leur nourriture en pourchassant d’autres oiseaux marins, les forçant à régurgiter le produit de leur pêche ;pas sympa !

A la manœuvre : A trois sur le pont on empanne GV et artimon, affalons la trinquette qui perturbe trop le yankee que nous réglons différemment. Et pour rendre la manœuvre plus sympa, un grain arrive avec la pluie et la perte de visibilité.
Tout est bridé, nous sommes de nouveau à l’intérieur, la pluie tombe fort, aplatissant un peu la surface de l’eau qui moutonne bien, la visi est réduite à 1 mille et Algol file à plus de 8 nds vers sa destination poussé par un bon vent forcissant.
Problème : le radar ne fonctionne plus, ne nous rapportant aucun écho de la terre pourtant à 9 milles. Nous voilà plongés dans le mode d’emploi, en vain. Contrariété car nous n’imaginons pas la navigation dans les glaces du Groenland sans radar.
Nous sommes à 21 milles de Heimaey, port des Vestmann. ETA dans 2h36 à cette vitesse ! Mais j’aimerai bien un peu de visibilité et du soleil.
Le vent reste Est en forcissant à 30-35 nds. Subitement à 5 milles de la terre les imposantes îles aux hautes falaises sortent de la brume. Beau spectacle.

Manœuvre : il faut empanner la GV et l’artimon et affaler ce dernier. Nous sommes toujours sous yankee tangonné et nous sommes un peu surtoilés. Algol a deux belles moustaches à son étrave fonçant à plus de 8nds. Nous sommes trop près des côtes pour réduire et il y a beaucoup de pavés. Objectif : empanner le yankee sous la GV et l’affaler, puis affaler la GV dans le chenal qui mène au port. Le vent continue à forcir avec des pointes à plus de 35 nds.


Youenn à la drisse et moi à l’écoute et la chute, nous affalons, étouffons et rangeons dans sa banane le Yankee. Je transpire dans mon ciré. Nous dégréerons le tangon dans le port. Algol s’engage alors entre les falaises d’un côté et les rochers de laves qui délimitent un chenal naturel sous grand-voile seul. Nous avons sous-estimé l’effet de couloir ; nous voilà sur la fausse panne, la GV à contre retenue par la retenue de bôme. Tiendra, tiendra-t-elle pas ? Nous nous éloignons tous du mât et de la bôme craignant le pire, c’est-à-dire l’empennage intempestif après rupture d’une pièce. La bastaque au vent est en plus bordée. Trois fois de suite la GV se mettra à contre dans un bruit qui fait mal au gréement et à la voile. Les lattes inversent leur courbure dans un claquement brutal. Impossible de virer face au vent, il y a des cailloux. Jean-Baptiste laisse Algol dériver dans l’axe du chenal.





Ordre : affale tout. Je suis à la drisse en pied de mât ; je choque tout, Anne-Henri borde l’écoute de GV le plus possible et me voilà à tirer sur la voile comme un forcené. Dans ces moments-là j’aimerai faire 1m90 et peser 100kg. Youenn et Jean-Yves viennent en renfort et nous finissons par maîtriser la GV (le pliage ne sera pas parfait). Tout le monde est soulagé. Moteur non embraillé, le vent nous pousse au fond du port. Nous trouverons un petit ponton, plus court que le bateau, en extrémité d’un quai pour amarrer Algol, dernière manœuvre de la journée. Il y a des journées sans, il y a des journées avec et cette dernière fut bonne. Seule particularité, de taille, nous sommes amarrés sous le vent d’une poissonnerie industrielle. L’odeur est insupportable ; nous fermons tout le bateau. En effet 10% de la pêche islandaise est traité ici.


Visite des instances portuaires qui nous souhaitent la bienvenue. Nous avons omis d’appeler les coasts guards pour leur annoncer notre arrivée, mais ce n’est pas un reproche. Ils rient de surprise en voyant Ann-Henri toujours pieds nus dans ses sandales, alors que je suis en bottes et ciré complet à côté !!
Le douanier ne tarde pas à venir à bord. Les vins et alcools à mettre sous scellés sous la couchette d’Anne-Henri sont bien rangés et comptabilisés. Le douanier très cool se limitera aux formalités administratives, à un welcome sympathique et ne visitera même pas le bateau, qui peut désormais naviguer un mois en Islande en toute liberté.
A l’apéro, pour fêter cette traversée et cette arrivée un peu stressante. Nous avons parcouru 401 milles, en route directe. Nous faisons un tour à pieds avant de nous coucher. La bruine nous prive d’un paysage que je devine cependant grandiose et féérique, entre rochers à falaises verticales et roches émanant des coulées de laves de l’explosion du volcan en 1973, coulées de laves qui augmentera la superficie de l’île et modifiera l’accès au port en créant un chenal naturel et protecteur.

Ce mardi 5 juillet,
Très beau temps ce matin, le douanier hier soir avait raison, alors qu’il pleuvait pour notre arrivée sportive à Heimaey, le temps de monter au sommet du volcan Eldfell, à 221m. Montée dans les pierres volcanique de couleur noire et orange.  Vue imprenable au sommet, mais que de monde. Un ferry débarque des groupes en bus, qui via la piste s’approche le plus possible du sommet. On se croirait au Mont-Blanc, sur la crête, en file indienne.


 Nous voyons la côte sud islandaise et le volcan Eyjafjalljökul qui culmine à 1618 m couvert de neige, . Nous pouvons contempler toutes les petites îles, puisque des moutons y vivent, qui constituent les Vestmann. Ballade sympa.









Retour par la ville, la seule, avec un retour à la civilisation brutale et peu agréable, voitures, bruit, … L’île de Heimaey fait 7km sur 4 (même longueur que Houat mais avec plus de relief !). Un tiers est occupé par la ville, un tiers par le volcan et un tiers, sauvage et rocheux,  pour les moutons, et les macareux.

16h00. Le ciel se couvre à nouveau, une petite bruine tombe et le vent a tourné au sud, ce qui éloigne les odeurs de la poissonnerie ; bonne chose !
Super la piscine. On a bien rit. Des superbes douches puissantes, un bassin intérieur à 28°, dehors 2 bassins à 34-38°de profondeurs différentes avec jets de massage, un bassin à 38-40°, une pataugeoire, un mur d’escalade, 1 toboggan à 3 pistes tout poids, 1 toboggan dans tunnel pour moins de 90kg, 1 toboggan tunnel pour enfants, et 1 hammam. Il faisait bon dehors, 12°. Par moments, des relents nauséabonds de poissons nous rappellent que nous sommes dans un gros port de pêche.  
Appareillage tôt demain matin pour Reykjavik, à 100 milles, à rajouter aux 1579 déjà parcourus depuis Arzal.

Ce mercredi 6 juillet,
Voilà 3 heures que nous avons appareillés des Vestmann pour Reyjavik.
Déception au réveil, il pleut. Nous ne pourrons pas voir la côte islandaise, à 6 milles, et voir le volcan Eyjafjalljökul. Nous l’avons bien vu hier soir en rentrant de la piscine. Nous avons assisté à un super coucher de soleil après le dîner (pâtes au saumon et crème fraîche, fromage blanc avec crème de marron), vers minuit.
Nous faisons route au moteur, vers l’ouest, avec un faible vent de 6nds dans le pif. Il fait frais dehors, 10°c (moins en ressenti) et 14 dans le bateau. Dernier regard sur le volcan Kirkjufell, « montagne de l’Eglise », ou encore Eldfell, « montagne de Feu », des Vestmann.
A 10h00, tout le monde sur le pont ! Un groupe d’Orques Epaulard, au nombre de 6, est en vue à 300 mètres du bateau, devant le rocher de Pridangar. Nous réduisons la vitesse pour les observer tranquillement. Ils doivent chasser dans un banc de poissons. Excitation, plaisir et concentration à bord pendant 20 minutes d’observation. On se gèle sur le pont !!

© J-Y Dubois

© J-Y Dubois



En appareillant ce matin nous avons longé les falaises nord, alors que la pluie cessait, pour observer les macareux. Ils sont petits, nichant dans la falaise, certains nageant et plongeant à notre arrivée. J’aime bien leur bouille ! Le plus impressionnant est de voir les moutons sur les sommets très pentus des falaises. Certains doivent tomber quelque fois !


Une houle de sud-est se forme et le vent plein ouest monte tout doucement, 9nds. Nous progressons à 5,5nds au moteur. Yoenn dort, Anne-Henri lit, et la bande des 4 autres joue bruyamment à la belotte. De temps en temps je jette un coup d’œil devant l’étrave d’Algol et fait un tour rapide d’horizon. Y-a-t-il d’autres orques ?
Le fichier Grib annonce une rotation des vents au N puis NE pour cette nuit. Il ne fera pas chaud. Le soleil pointe son bout du nez.
Quart de 16 à 19h. Je bouquine entre deux montées sur le pont pour la veille. Personne ne reste sur le pont ; bizarre ! Pourtant le soleil semble s’imposer dans le ciel nous offrant une belle vue sur la côte sud-est de l’Islande. Le vent d’ouest forcit à plus de 15 nds rendant pénible la navigation au moteur face au vent. Algol commence à taper dans le clapot et à ralentir. Pourquoi ne pas tirer un bord à terre sous voiles afin de trouver une mer plus calme et  toucher plus vite la rotation NW puis N du vent favorable qu’annonce le fichier météo Grib ? C’est OK, on tire un bord à terre, on manœuvre pour mon plus grand plaisir.
A 19h30, le vent tourne conformément au fichier météo. Nous virons de bord et nous voilà naviguant au près parallèlement à la côte. Algol bien calé, est confortable. Le but étant de passer le cap de Reykjanes, pointe sud-ouest de l’Islande, à l’étale, des forts courants étant décrit dans les instructions nautiques. Nous subirons cependant le vent contre le courant le long de la côte ouest. Espérons que ça ne bouge pas trop !
A 22h00 précise nous passons le cap de Reykjanes, 1 heure en avance sur notre prévision et 1 heure avant l’étale, le courant « dans les fesses », mer plate (quelques marmites), soleil encore bien au-dessus de l’horizon, 10 nds de vent, au près. Virement de bord et route au nord. Nous serons plus tôt que prévu à Reykjavik : ETA prévue à 7h00.
Tout le monde est sur le pont, bien emmitouflé, la température ressentie étant fraîche. Qu’est-ce ça doit être par gros temps !



« On a passé Reykjanes dans un fauteuil » dixit le capitaine, réjouis. En effet il ne l’a jamais passé dans ces conditions et en septembre 2010, il avait 50 nds de vent en ce point.

Ce jeudi 7 juillet.
01h00 : Dernier quart, 31ème jour de cette croisière.
Le vent est tombé. Il fait doux, tout est relatif (14° dans le bateau). Le soleil s’est couché à 23h30 derrière le Snefellsjökul, volcan qui culmine à 1446 m, connu pour être le point de départ du « Voyage au centre de la terre » de Jules Verne.

Le contournement de la pointe Garöskagi m’occupe jusqu’à 2h et demi. Il s’agit surtout de rester sur la sonde des 30 mètres et de corriger le cap en fonction de cette dernière et des variations du courant qui nous ralentit un peu en ce moment. Notre CC est 105°, notre RF est 75°, la déclinaison est de 15°W, cherchez l’erreur ou l’incidence du courant ? J’ai cependant de gros doute sur la déviation du compas d’Algol ; n’oublions pas que nous sommes sur un bateau en acier. Coin un peu complexe, faibles fonds et côtes plates ; ça ne doit pas être très sympa par gros temps. Les phares que nous avons doublés, blancs et bien visibles sont hauts (25 à 35 m). Nous sommes à 21 milles des bouées d’atterrissage du chenal d’entrée au port de Reykjavik. Nous allons passer sur un banc, par 20m de fond, où l’on peut y observer des baleines.

Pas de vent, houle d’ouest qui fait rouler Algol. C’est un peu frustrant de finir au moteur, soit !
Devant nous, alors que nous naviguons sous un beau ciel clair, se dresse une grosse barre nuageuse bien épaisse. Est-ce au-dessus de la terre ? Vapeurs naturelles ? Brouillard ? Quel temps fait-il à Reykjavik ? Le baro est bien remonté, 1021HP.
Le brouillard vient de tomber d’un coup, bien épais et mouillant, réduisant la visibilité à 0,1 mille. C’était donc ça la barre nuageuse. Nous redoublons donc de vigilance en absence de radar. Ce sera peut-être difficile de voir les baleines. Snif ! Nous voyons des macareux et des pingouins qui plongent à notre passage.
06h00 : nous affalons la grand-voile et préparons l’atterrissage dans le brouillard. Reykjavik apparait devant nous. Nous signalons notre arrivée aux coast-guards par VHF. Un bateau pilote, venant à notre rencontre, nous indique l’accès à la marina.


Les derniers baleiniers!
07h05 : Nous sommes amarrés en extrémité d’un ponton dans une marina en cours d’installation du côté opposé à la ville. Ici, pas d’eau ni d’électricité.

Bilan nautique : 1700 milles parcourus depuis Arzal.
A 08h15 le réparateur du radar est là. Diagnostic rapide : le magnétron est HS ; 900,00 euros !!! Et par chance le réparateur dispose de la pièce. J’irai de nouveau faire le singe dans le mât d’artimon.
La fatigue me gagne ; n’ayant dormi que 3h cette nuit.
Algol ne bouge plus.
Fin d’après midi à la piscine ; un grand moment de détente et de rires.

Ce vendredi 8 juillet,
Dernier jour à Reykjavik.
1h : ballade en ville "by night", en plein jour dans les rues très animées de Reykjavik.
Fin de matinée je m'échappe pour visiter la ville, sous un grand soleil. Super ballade; je monte au sommet de la cathédrale (75 m.), pour profiter de la vue imprenable sur la ville, ses environs et les côtes. Moment de sérénité. A voir aussi,  la salle de spectacle de Reykjavik, "Harpa" architecture contemporaine superbe.










Prochaine étape, le Groenland.