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mardi 30 août 2011

Est Groenland

Dimanche 15/08/2011 : mouillage de Kulusuk
Temps superbe, très belle luminosité, température clémente, 9°, au soleil. Lac intérieur, névés et glaciers, on découvre la baie de Kulusuk, surmontée de ses maisons colorées, et pleine de blocs de glace de toute tailles.


Embarquement dans l’annexe, navigation entre glaçons et nous voilà à bord de la maison flottante, Algol ! Au mouillage, entouré de glace la température de l’air est beaucoup plus froide qu’à terre. L’eau de mer est à 1°, idem pour les fonds du bateau bien sûr !! Par moment le choc d’un bloc de glace heurtant la coque fait vibrer Algol. Dehors, à l’abri il fait 1°, dans le bateau 10°.
C’est dimanche, les cloches du temple sonnent, suivi de l’aboiement, ou plutôt hurlement, collectif de tous les chiens du village, plus nombreux que les habitants.
Après le déjeuner, visite du village de Kulusuk. Il fait froid, malgré gants et bonnet. On croise beaucoup d’enfants, des hommes se promenant le fusil sur l’épaule. Les groenlandais sont bien typés, à la peau très mate, très ridée dès un certain âge. Les enfants sont bien portants, ronds, certains obèses. Les maisons, en bois, surélevées pour ne pas être en contact avec le sol sont construites au grès du relief avec des accès par des passerelles en bois. De nombreux chiens, tenus par des chaînes, aboient à notre passage. Ils ont triste mine. En été, les chiens n’étant pas utiles, ne sont nourris qu’une fois par semaine, maigrissent et s’ennuient. Ca fait pitié. Les rues en terre battues sont sales. Le tri des déchets collectifs n’existent pas ici !!! Sur les rochers au bord de l’eau, on voit de nombreuses traces et morceaux de phoques dépecés, sanguinolents. Les phoques en attente d’être dépecés sont immergés dans l’eau. A 1°, ça conserve ! Pour la consommation humaine les phoques sont conservés ainsi 2 semaines, pour nourrir les chiens ils restent dans l’eau 3 semaines. Au-dessus du village, sur les rochers, dominant la baie, il y a  de nombreuses sépultures ou simples croix en bois blancs. Et au bout du village, alors que la vue sur les montagnes, les glaciers, les icebergs et la mer est magnifique, nous tombons sur la déchetterie du village. Tout s’entasse, puis on pousse dans le fjord. Il est vrai que la fonte de la neige et de la glace découvre beaucoup de choses.





Frigorifiés, et du fait que tout est fermé, la maison commune où il y a des douches, le mini supermarché « pilersiusoq », magasin unique où on trouve aussi vêtements, fusils, …, car dimanche,  nous rentrons vite à bord.
A entendre les locaux, cet été est particulièrement froid. Cette journée est la plus froide depuis l’arrivée d’Algol dans ces eaux.

Ce lundi 15 août : relève de l’équipage
7h30, Algol est noyé dans le brouillard et le froid est piquant. Nous débarquons à terre et nous nous rendons à la maison commune pour prendre une douche. Dans chaque village il y a une maison commune pour la population locale où on trouve douches, lave et sèche-linge. En effet aucune maison n’a de lave-linge et peu sont ceux qui ont des douches. L’eau courante n’alimente pas aussi les maisons. On trouve des petites cabanes en bois, bien isolées contre le froid, dans lesquelles se trouvent les citernes d’eau et pompes pour alimenter en eau le village.
Après l'accueil des nouveaux équipiers à l'aéroport, 30 minute à pieds, embarquement et chargement  des sacs, répartition des cabines, apéro bien sûr et un déjeuner d’une omelette-pommes de terre, nous appareillons pour Tasiilaq ou Ammassalik, plus grosse ville de la côte est du Groenland, 2000 habitants, à une quinzaine de milles. Vite dégagée des glaçons, la route est aisée et rapide, entre quelques beaux icebergs. Nous mettons 3h00 alors que 4 jours auparavant, sur le même parcours il avait fallu 8h00 pour se frayer un passage dans une glace très dense dans le brouillard. Sur un morceau de banquise nous croisons un groupe de 5 esquimaux en train de dépecer un phoque qu’ils viennent de harponner. Tout est coupé, trié et stocké dans des sacs en plastique. Une vraie boucherie en plein air, rouge sur blanc !!! Spectacle surprenant et peu sympathique. Je découvre une autre vision des phoques, plus triste, mais répondant à une raison vitale.


Sur le pont le froid est vif. La forte réverbération du soleil sur l’eau et la glace impose le port des lunettes de soleil, les yeux brûlants vite.
Arrivée devant le village, mouillage, tour rapide à terre pour organiser un plein de gasoil demain matin à 8h, c’est le seul port où nous pouvons le faire.

Ce mardi 16 août.
Grand beau temps, ciel bleu, les chiens aboient, ou plutôt hurlent. Il fait moins froid, certainement en raison du fait que nous ne sommes plus mouillés au milieu des glaçons. Réveillé de bonne heure pour être à 8h00 au ponton gasoil du port de Tasiilaq, et surtout heure avoisinant la pleine mer. Il y a 2m50 d’eau dans le port !
Manœuvre délicate entre bateaux de pêche, amarrage sur un ponton qui fait la moitié de la longueur du bateau. Nous raccordons plusieurs tuyaux d’eau à la douche du local de la station pour faire un peu d’eau douce, mais le débit est faible. La marée descendant et la crainte de rester échoué nous chassent vite du ponton à 9h15. C’est un peu tard et Algol devra pousser la vase pour se frayer un passage. Ouf !


Retour au mouillage afin de débarquer à terre pour y passer la fin de la matinée. Au programme : quelques courses, changer de l’argent (couronnes danoises), visiter la ville, son musée, et trouver une connexion internet pour courriers et météo. La ville est construite sur des terrains pentus ; ça monte ou ça descend ! Les rues sont sales ; pas de tout à l’égout ici. Les eaux usées se déversent sous les maisons, les poubelles jonchent à même le sol, des cuves ou gros sacs de plastique noir faisant office de caisse à eau noire sont à même les maisons et avany d'être collectées puis vidées à la mer. Nous avons vu la déchetterie de la ville en entrant dans le fjord ! Que penser ! Il y a énormément de chiens qui aboient, ou hurlent. On penserait plus à des loups. Les aires où les chiens sont enchainés sont sales et sentent fort. Contre les maisons en bois on peut voir du poisson séché. La ville et les villages aux maisons de bois de couleurs vives et variées sont plus jolis vus de la mer !!!!
Autres choses surprenant, la cohabitation des danois et des groenlandais. On les reconnait à leur physique totalement différent. Les danois ont la main mise sur l’économie du Groenland et à les côtoyer et à voir les fonctions qu’ils occupent ici, cela me rappelle certains pays africains. Les groenlandais sont en bas de l’échelle sociale, entretenant une économie sociale et un passé que les danois exploitent. Cette situation me met mal à l’aise.
Retour à bord.
Appareillage pour le Sermilik fjord, un des plus grands fjords du Groenland, sans trop savoir si le passage sera possible car pas trop encombré par la glace. Il y a 10 jours, Algol fut bloqué par la glace. Au dire du capitaine du port ce matin, il n’avait jamais vu autant de glace dans la région au mois d’août ! Le but de cette navigation de 2 jours est d’explorer le Johan Petersen fjord, branche du fjord Sermilik, où Jean-Baptiste doit déposer l’été prochain une équipe d’alpinistes suisses à la conquête de l’Inlandsis, calotte glaciaire recouvrant le continent groenlandais, deuxième plus gros glacier du monde après l’antarctique. Navigation sympa car une première pour nous tous.
Nous croisons deux catamarans de raid, flotteurs pneumatiques, sous voiles, naviguant a belle allure, menés par deux équipage de 3 russes chacun. Courageux ! Ils sont bien équipés, en combinaison étanche. Nous ferons demi-tour pour les accompagner un moment et ainsi discuter avec eux.


Soudain, un souffle de baleine attire notre attention. Nous la voyons rapidement avant qu'elle sonde.
Pendant plus de 6h nous slalomons entre iceberg et growlers ou bourguignons. Certains sont énormes, d’une blancheur éclatante, avec des reflets bleutés, translucides, aux formes variées comme sculptés au grès d’imaginations diverses. Pour la joie de tous, Algol se fraie un passage à bonne allure. Nous sommes même tentés d’envoyer les voiles dont le spi pour faire des photos du bateau au milieu des glaçons. Mais c’est une grosse manœuvre pour au mieux une demi-heure de navigation car le vent change et notre route n’est pas droite.
Le paysage est magnifique. Les icebergs se détachent sur un fond de sommets de roches marron-oranger de plus de 1000 mètres. Alors que nous embouquons le Johan Petersen fjord, nous découvrons une vue merveilleuse sur l’Inlandsis. Heureux d’avoir cette vision décrite par Nansen en 1880 dans ses livres, et partager le sentiment qui a motivé tant d’expéditions sur ce continent glacé.


La cartographie cmap n’est pas fiable. A la lecture de la carte sur l’écran nous sommes sur la terre ! Mais la correction à appliquer est plus ou moins régulière; il faut déplacer notre point de 0,5m dans le 197°.
Nous voulons rentrer dans un petit fjord, le Sangmileg. Il est difficile d’évaluer les distances, la carte papier est peu renseignée, absence de sonde, et les fonds sont supérieurs à 100m. Ce fjord sera-t-il dégagé de glace ? Le soleil face à l’étrave ne facilite pas le slalom entre les glaces. Nous nous engageons dans le Sangmileg, dégagé, entre 2 grandes falaises rocheuses abruptes. Des glaciers, similaires à ceux que nous voyons dans nos montagnes alpines, coiffent les sommets. Illuminés par les rayons de soleil le spectacle est féérique.
Nous scrutons le sondeur dans l’espoir de trouver un fond de moins de 25 mètres pour mouiller. A 50 mètres des falaises nous avons encore plus de 70 mètres de fonds. Nous voilà au fond du fjord. C’est face à 2 cascades que nous trouvons des fonds de 16 m, bien que très proches des rochers. Nous mouillons 7 maillons soit 70 m de chaîne.
Quel paradoxe entre la vision de la ville sale de Tasiilaq et la pureté de ce désert de glace ou seul le bruit des blocs se détachant et se retournant dans l’eau vient perturber ce calme. Ce soir nous serons bercés par le bruit des cascades.
Et pour finir la journée, nous assistons au plus beau spectacle qu’offre les régions arctiques : des aurores boréales splendides, aux couleurs vertes et roses, dansant au-dessus des mâts d’Algol et sortant des montagnes nous entourant. Nous sommes tous sur le pont, la tête en l’air, ébahis. C’est pour voir cela que nous venons ici ! Nous voilà récompensés, gâtés. Il est 1h30 du matin.

Ce mercredi 17 août.
C’est toujours avec un grand beau temps que notre exploration du Johan Petersen Fjord se poursuit.
Nous naviguons entre growlers et icebergs tant que nous arrivons à nous frayer un passage et arrivons à faire une reconnaissance des fonds au sud de l’île Ingmikêr tikajik, au pied du majestueux glacier Hann Gletscher qui descend du Pingertuit, sommet de 1200 m. Algol pousse la glace par moment, en douceur. Quelques growlers viennent taper la coque dans un bruit sourd.  Nous assistons au retournement d’icebergs dévoilant ainsi leur énorme partie immergée à la couleur bleuté et translucide, retournement générant une houle et dans un bruit de craquement, de crissement, de coups semblables à celui du tonnerre. Le décor change en permanence au grès de la dérive de toute cette glace.
Pour déjeuner, nous stoppons le moteur et nous nous laissons dériver entre la glace.
L’après-midi sera consacrée à l’exploration de l’Ikâsak Stoklund Fjord. A notre grande surprise le passage est libre de glace. Seuls, quelques gros icebergs dérivent lentement. Nous admirons une arche de glace majestueuse.


 
Puis nous nous engageons dans le Hundefjord avant d’aller mouiller dans le Kanêrtivit. Le premier mouillage sera infructueux ; sur fond de dalles rocheuses et un talus, nous dérapons. Le deuxième mouillage, près d’un gros iceberg, sera le bon. Le plus dure étant de toujours trouver des fonds plats inférieurs à 20 m.
Nous débarquons à terre pour une randonnée. Le cadre minéral aux couleurs blanche, noire, grise et orangeais est splendide. Nous avons une vue magnifique sur les fjords et la chaîne de montagne de l’île Angmagssalik. Je la compare à nos grandes Jorasses Européenne.




Soudain des craquements se font entendre avant un grand coup de tonnerre. L’iceberg, proche du bateau, se casse entraînant un gros bloc de glace dans sa chute, générant une belle gerbe d’écume. Nous nous émerveillons devant ce phénomène. Ce mouvement de glace va générer une grosse vague. Jean-Baptiste, à bord, a le temps de mettre le moteur pour positionner le bateau face à la houle, réduisant ainsi le roulis de celui-ci. L’annexe, posée sur une plaque rocheuse sera soulevée et déposée un peu plus loin. Heureusement, elle était amarrée à un gros rocher. Peu de temps après, ce même iceberg se cassera de nouveau en deux, laissant remonter une grosse plaque à la surface. C’est dans un bruit impressionnant que nous assistons à ce spectacle grandiose.


Ce jeudi 18 août.
Tout est calme aux alentours ; Algol sur une eau lisse est immobile. La navigation d’aujourd’hui nous mènera au village de Tiniteqilâq.
Nous rejoignons le Johan Petersen Fjord avant de nous engager dans le Sermilik que nous traversons sur ses 4,5 milles de large. Notre route sillonne entre de gros icebergs. Un énorme retiendra particulièrement notre attention. C’est le plus gros que nous voyons depuis notre départ. Il est semblable à ceux vus en péninsule antarctique. Nous relevons sa hauteur au sextant : 84,40m.






Nous nous laissons dériver au sud de l’île Ingmikêrtâjik pour déjeuner et dans l’espoir d’attraper quelques morues. Les assidus à la pêche dandinent en vain.
Nous nous engageons dans le Sarpaq, passage étroit entre deux terres nous offrant un beau paysage sur une chaîne de montagnes aux belles aiguilles, dont le sommet culmine à 1438 m.
Nous mouillons dans la baie d’Âria, au sud de Tiniteqilâq, au pied d’une rivière, et d’Asingaleq, un glacier descendant d’un sommet culminant à 1352m.
Alors qu’il est 16h00, une partie de l’équipage décide de monter au pied du glacier.
Pas de chemin, pas de trace, sur 400 mètres de dénivelé nous montons dans des éboulis de grosses pierres, sur des dalles rocheuses bien pentues.
Au bout de 2h30 nous sommes récompensés de nos efforts et petites frayeurs en découvrant le pied du glacier, haut de plusieurs mètres, difficiles à évaluer.



La descente, en suivant la vallée glaciaire est pénible en raison des éboulis. Par moment la terre est spongieuse. Nous admirons les parterres de linaigrettes blanches, d’épilobes roses, de lichen et autre flore.

La vue du Sermilik, à contre-jour, entraînant les gros icebergs vêlés par les glaciers du fond du fjords dont le plus gros, le Helhmeimgletscher, qui descend directement de l’Inlandsis, est splendide, unique, indescriptible.


De retour au bateau, vers 21h00 nous remontons le mouillage pour aller mouiller devant le village de Tiniteqilâq.
La soirée s’achèvera tard, à 1h00 du matin, après une longue journée, bien pleine, fatigante, et les yeux pleins de merveilles de la nature.



Ce vendredi 19 août.
On débarque à terre. Visite du village de Tiniteqilâq, petit village de 130 habitants. The strait that runs at low tide, village établi en 1922-23. Il y a une église, une maison commune, une école. De nombreux enfants jouent au ballon devant la maison commune, tirant des traineaux dans le sable. La maison commune est pleine ; nombreux et nombreuses attendent pour prendre une douche, faire une machine, en buvant un café et en discutant. Pour nous la douche sera disponible cet après-midi. Nous reviendrons.



Il y a beaucoup de chiens, sales à la triste mine, dévorant des restes de phoques.
Chaque maison a son séchoir à poissons. Ca sent fort. On trouve aussi des cadres en bois pour tendre les peaux de phoques.


Sur la plage j’assiste au dépeçage de phoques. Ce sont des phoques marbrés ou annelés, chassés toute l’année. Il faut accepter que cet animal contribue à l’alimentation de l’esquimau ainsi qu’à son gagne-pain (peau, graisse) ; c’est aussi la nourriture des chiens.



Marche au-dessus du village pour admirer les icebergs dérivant dans le Sermilik. Vision superbe.

Le soleil est entouré d’un grand halo, signe de perturbation météo. Le ciel est voilé.
De retour à bord, à 14h00, nous appareillons tout de suite pour la côte est de Angmagssalik, navigation dans un étroit fjord, le Ikâsagtivaq. Le paysage est semblable à celui que nous découvrons dans nos hautes montagnes. Aiguilles rocheuses et glaciers se succèdent. Le ciel est nuageux et le vent de face, canalisé par les falaises et  soufflant à 20nds est frais. Nous passons au sud de Qernertvartivit, tout petit village.
Après 6 heures de navigation nous jetons l’ancre dans le Sangmileg, au pied d’un glacier et d’une rivière alimenté par un lac,  programme de la rando de demain.
Le chauffage dans le bateau est bienvenu.

Ce samedi 20 août.
Ciel couvert et petite pluie ; ce qui cependant ne nous dissuade pas à faire une petite rando à terre avant d’appareiller. Nous débarquons à 4 au pied de la cascade dans le but de remonter sa rive jusqu’au lac. Vues merveilleuses sur les aiguilles rocheuses et les glaciers. Nous rentrerons sous la pluie alors que les sommets disparaissent dans les nuages.


Nous appareillons pour Kuummiut sous la pluie, pour 4h30 de navigation. 3 sur le pont, en ciré, bottes, capuches et gants, 4 à l’intérieur.
Nous empruntons l’Angmagssalik fjord et retrouvons la glace et la navigation « zizagométrique » qu’elle impose.
Journée tristounette, humide. Au mouillage devant Kuummiut, certains font un gâteau, d’autres jouent aux cartes,
ATiniteqilâq nous avons acheté des saumons aux pêcheurs locaux. Nous en cuisinons 2 ce soir.

Ce dimanche 21 août.
Le temps se dégage, la pluie cesse et les montagnes se découvrent.
Débarquement à terre pour visiter le village de Kuummiut, The people of the River, village de 366 habitants. C’est dimanche, la maison commune et le Pilersuisoq sont fermés. La cloche de l’église sonne suivi de l’aboiement collectif, de tous les chiens du village. Il y a un office célébré par une femme esquimau. Nous restons quelques minutes à écouter les chants. Ce village est très sale, mais pittoresque et coloré. C’est le Groenland profond peuplé en majorité de chasseurs. Les maisons sont espacées. Il y a un grand séchoir à poissons et une petite usine de traitement du poisson.






Appareillage pour essayer de dandiner dans le fjord, au nord du village. Nous persistons et notre détermination à attraper des morues est toujours intacte. Mais notre nouvelle tentative sera vaine.
Au même moment, interpellé par leur souffle, nous croisons 2 baleines. Alors qu’elles sondent nous attendons quelques minutes pour les voir de nouveau émerger de la surface de l’eau.  
Nous nous engageons dans les fjords Ikâsak, puis Ilivinga et enfin Ikâteq pour déboucher dans le grans Sermiligâq. Au nord de ce grand fjord se jettent 2 grands glaciers, le Kârale Gletscher et le grandiose Knud Ramussen Gletscher qui descend du Tupilak culminant à 2264m. C’est au pied de ces 2 glaciers que nous mouillons ce soir.
Dans l’Ilâteq fjord nous passons devant une veille base météo américaine abandonnée, amas de pièces métalliques rouillées, de tonneaux, bâtie en 1942, point de ravitaillement pour les avions en route vers l’Europe.
La voie est libre et seules quelques glaces dérivantes nous obligent par moment à ralentir,  à zigzaguer sur une eau plate dans laquelle se reflètent les montagnes et leurs glaciers. Ces paysages sont chargés de sérénité.
Nous croisons deux pêcheurs esquimaux sur leur bateau en train de remonter leurs lignes. Nous allons les voir et leur achetons 4 flétans fraîchement pêchés.


Mouillage devant le glacier Kârale. Très joli mouillage, sur fond de sable, offrant une vue magnifiques sur 4 glaciers.



Repos, cuisine, lecture, jeu de carte, le carré s’anime en attendant le dîner. Au menu, flétan cuit au four. Le chauffage réchauffe le bateau.
Le ciel, encore chargé de nuages, rougeoie et colorie ainsi le glacier du Kârale ; beau spectacle.

Ce lundi 22 août.
Ciel gris, temps plus doux. Ce n’est qu’une impression car très vite  on empile de nouveau les couches. La lumière est douce, la glace montre mieux ses détails et le blanc des glaciers est éclatant.
Nous appareillons pour voir les 2 plus gros glaciers du Sermiligâq fjord de près. Nous longeons leurs fronts, à l’approche desquels nous ressentons le froid. C’est fascinant. Nous ne nous approchons pas plus d’une distance égale à 6 fois minimum leur hauteur, hauteur que nous évaluons à environ 50 mètres, soit à 300 m. Au Spitsberg la recommandation du gouverneur est une distance de 10 fois la hauteur du front du glacier. Le ciel va petit à petit se dégager laissant ainsi le soleil éclairer les glaciers. Après le glacier Kârale nous stoppons Algol devant le plus grand, le Knud Ramussen. Au sextant nous relevons sa hauteur, 49,40m. C’est face à ce beau panoramique, à la dérive, que nous déjeunons.





Dans des bruits sourds nous assistons à des chutes de sérac, nous surprenant et générant une petite houle.
Suivra alors la séquence survie tant attendue. Nous sommes 4 à enfiler les combinaisons de survie et à nous plonger dans une eau à 3°. A notre grande surprise, nous sommes bien au sec dans les combinaisons et nous flottons bien. C’est avec joie, comme des enfants, que nous pataugeons, grimpons sur un iceberg, jouons les équilibristes sur un petit iceberg qui bascule facilement et nous entraîne dans l’eau. Glissades, plongeons, sauts se succèdent dans un rire collectif. C’est une superbe expérience, rassurante, et un réel moment de bonheur. Les combinaisons sont faciles à enfiler, bien étanche et permettent une grande mobilité.




Nous reprenons notre route pour le dernier village de notre croisière, Sermiligâq, village de 215 habitants, the beautiful glacier fjord. Le soleil éclaire le village devant lequel nous mouillons. Sur fond de glaciers c’est magnifique. Nous entendons les chiens hurlants et des cris d’enfants jouants.




Nous prenons les fichiers météo Grib pour étudier, déjà, notre retour sur l’Islande. Nous projetons d’appareiller demain à 13h00, le but étant de naviguer de jour le temps de sortir du pack de glace. Nous avons 3 jours de navigation, soit une ETA vendredi midi.
Les prévisions météo sont bonnes. Vent de NE 15-20 nds, faiblissant en tournant N. La traversée du détroit du Danemark s’annonce confortable.
Avant minuit, des aurores boréales font sortir tout l’équipage sur le pont. On s’émerveille, oubliant le froid et le sommeil.

Ce mardi 23 août.
00h20, une plaque de glace poussée par un iceberg vient se plaquer contre le bateau et se prendre dans la chaîne de mouillage. On ne peut pas rester ainsi. En effet le mouillage est échantillonné pour tenir un bateau de 30 tonnes et non pas une plaque de glace qui doit dépasser de beaucoup 10 fois le poids d’Algol. Moteur en route, tout en larguant toute la chaîne du mouillage, soit 100 mètres, et ce pendant ½ heure, nous arrivons à nous dégager de la glace. Au lit ! D’autres plaques viendront frapper contre la coque du bateau tout au long de la nuit.


Lever matinal pour être à la maison commune à l’ouverture pour prendre des douches. Nous sommes les premiers et la douche est fort appréciée. Nous sommes toujours très bien accueillis dans les maisons communes, avec un grand sourire. On peut y prendre un café, un petit déjeuner, lire les journaux locaux, y recevoir du courrier.
Petit tour dans le village. C’est l’heure de la récréation et les enfants jouent au ballon. Une chienne et 5 petits chiots retiendront toute notre attention. Les chiots tètent leur mère. Nous pouvons les caresser.








Comme tous les villages précédemment visités, les déchets ne semblent pas incommoder leur population. C’est sale. Il est vrai qu’il est impossible de creuser le sol pour y enfouir quoique ce soit ; donc tout est entreposé à même le sol. Les intérieurs des maisons semblent plus propres et bien équipés.
Avant de quitter la terre, nous faisons quelques courses au Pilersiusoq. Il n’y a pas grand-chose à ramener à part des images plein la tête.
A 10h30 nous quittons notre mouillage pour nous engager dans Ikâsak fjord, fjord qui nous conduira sur la côte est avant de se tourner plein est vers le large. Tant que nous naviguons en eau plate nous en profitons pour ranger le bateau, remonter l’annexe et la plier, laver le pont, plier les combinaisons de survie, enlever les taux des voiles et réinstaller le gréement courant, écoutes, bastaques.
Jusque tard dans la nuit nous croisons de gros icebergs, alors que nous nous éloignons de la côte groenlandaise. Le plus dangereux pour la navigation sont les growlers, morceaux d’iceberg cassés, que nous ne pouvons pas détecter au radar. Il faut barrer et les éviter.
Une houle croisée se fait sentir dès la sortie du fjord et déjà certains estomacs s’en trouvent secoués.








Soudain un souffle de baleine devant l’étrave. Tout le monde sur le pont. Pendant 1 heure nous faisons des ronds dans l’eau pour voir cette baleine se montrer et sonder en montrant sa queue noire et blanche. Super spectacle pour tous. Plus à l’ouest dans le rayon du soleil, 3 souffles se succèdent régulièrement.






Nous voilà sous voiles. Algol a retrouvé sa garde-robe habituelle, GV, artimon, Yankee1 et trinquette. Nous sommes au bon plein, à 5nds par 15 nds de vent. Les fichiers météo Grib confirme cette tendance, vent NE à N 15nds faiblissant vers l’Islande. Traversée cool. Cependant nous subissons une houle résiduelle et croisée qui ne contribue pas au confort du bateau et son équipage.
Vers minuit, les aurores boréales nous offrent un spectacle magnifique. Le ciel s’embrase de mèches vertes et roses au-dessus des mâts d’Algol. C’est magique et unique.


 
Ce mercredi 24 août.
Nous progressons au petit largue, contre une houle qui s’est bien calmée, bien que croisée. Algol roule et tangue !


Alors que nous sommes à 95 milles des côtes Groenlandaises, nous croisons encore un gros iceberg qui passe à 7 mille par le travers bâbord. Le ciel est nuageux et il ne fait pas très chaud. 10° à l’intérieur, 5° sur le pont. A 10h00, ce matin,  nous avons parcouru un petit tiers de la traversée. Il y a encore 2 jours et 2 nuits !! Et le vent faiblit, Algol se traine à 4,5nds, ne semblant pas pressé de rentrer !
Le vent rentre dans l’après-midi et Algol accélère.
Bilan de la journée, nous sommes 2 non-malades, Jean-Baptiste et moi, le reste de l’équipage étant « out ». Heureusement les vents doivent faiblir demain dès que nous rentrerons dans Faxaloi, au sud de la pointe ouest de l’Islande et la mer devrait être plus calme.

Ce jeudi 25 août.
Réveillé à 1h00 pour prendre mon quart. Je croise Jean-Baptiste, le temps d’échanger sur le nouveau réglage des voiles, plus choquées, et le nouveau cap. Le vent varie beaucoup en intensité, de 15 à 30 nds et le bateau accélère à plus de 8 nds. A ce rythme-là notre ETA à Reykjavik sera dans moins de 24 h. Mais les fichiers météo annonce un affaiblissement des vents à partir de cet après-midi. La houle est travers bâbord, faisant ainsi roulé Algol. La plage avant est souvent aspergée par les vagues. A travers les nuages nous voyons la lune et dès 3h le jour se lève très rapidement. La mer est gris-vert et des moutons brisent sur les crêtes.
4h00 : changement de quart. Régulièrement je monte sur le pont et fais un tour d’horizon. Tout est clair. Aucun bateau ne navigue dans ces parages. L’océan est très beau, majestueux. Le ciel est chargé de nuages dont certains ont de belles couleurs jaune-rouge créées par les rayons naissant du soleil. Des fulmars accompagnent le bateau et nous marchons toujours bien. Fin de la deuxième nuit. En fin de matinée nous voyons les côtes islandaises et demain matin nous serons à Reykjavik. Deux jours d’escale me feront du bien, avec peut-être un bon bain dans une piscine pour nous réchauffer. Les premières prévisions météo que nous avons pu prendre en vue du retour nous annonce un départ au près !! Dans ce cas nous n’excluons pas une escale aux îles Vestmann. Nous affinerons ces prévisions dans quelques jours. Au plus court nous mettrons 6 jours pour rejoindre l’Irlande, à moins que nous soyons contraint de passer par le canal St Georges, à l’est.
Le vent se maintient et nous marchons bien. Algol tape un peu dans la vague.
Point à 7h00 ; nous avons tenu les 8,3 nds de moyenne ces 6 dernières heures.  Le vent ne faiblit pas, avec des pointes à 30 nds et le bateau est inconfortable pour l’équipage, même s’il passe très bien dans la vague. Faut-il réduire ou pas ?
Faisons confiance à la météo, le vent doit faiblir. On ne change rien.
Nouveau point à 10h00 ; la moyenne est maintenue et nous progressons vite.
Cependant le vent commence à refuser en mollissant à 15-20 nds. Nous bordons les voiles et essayons de ne pas trop descendre sous notre route, au près.
11h15 ; TERRE ! On voit le Snäfellsjökull (décrit par Jules Verne) qui culmine à 1446 mètres, à 45 milles dans le 78°.


Je trace notre position sur la carte papier, comme à l’ancienne, pour le plaisir ! Cependant nous sommes encore à 99 milles de Reykjavik et au mieux le GPS donne une ETA demain à 2h00. Si nous arrivons de nuit, nous ne pourrons pas voir les baleines !
13h00, nous traversons quelques grains de pluie mais le soleil et le ciel bleu semblent prendre le dessus. Tout est très calme à bord. La température est bien montée. « Il fait presque chaud »!
Le vent refuse en forcissant, contrairement aux prévisions météo.
Nous voilà bientôt au près serré, trop toilé. Les équipiers qui semblaient retrouver un brin de forme retournent dans leur bannette.
Face à l’étrave le dernier croissant de lune. Le ciel est magnifique, limpide et peuplé d’étoiles ; elles sont toutes là. Algol marche fort ; la grand-voile faseye. Il faut réduire. J’abats un peu.
22h40, à deux nous affalons et ferlons le mieux possible la grand-voile. Sous yankee1, trinquette et artimon Algol cravache encore à 7,8nds. Nous choquons un peu et abattons, en route directe sur Reykjavik.

Ce vendredi 26 août.
Le vent se maintient jusqu’à la bouée d’atterrissage de Reykjavik.
A 2h00 nous amenons la trinquette, l’artimon, puis le yankee 1. C’est dur à la sortie de la bannette ! Les muscles sont froids. Nous ressortons de la soute avant les amarres et défenses qui n’ont pas été utilisées depuis un mois.
Un beau levé de soleil sur la ville nous accueille. Nous avons fait une belle traversée, peu confortable pour l’équipage, peu gastronomique, mais rapide,  !! 391 milles en 65h, soit 6nds de moyenne.
4h00, nous rentrons dans le port de Reykjavik.


 Pas de place. Nous nous amarrons à couple d’une goélette suédoise en acier. Un problème subsiste : trouver de l’eau et de l’électricité ; et nous en avons un réel besoin. Le chauffage est en panne. Heureusement le soleil est là.
A peine amarré, la douane est déjà à bord. Formalités habituelles : liste équipage, liste alcool, pose de scellés sur le coffre à alcool.
Petit déjeuner pour tous.
Nous finirons par tirer une rallonge électrique du bloc sanitaire sis sur le quai et trouver un tuyau d’eau. Nous ferons 2 machines à laver. Les filières d’Algol se transforment vite en sèche-linge !
Les prévisions météo pour la semaine prochaine sont mauvaises. Une grosse dépression 960 HP avec des vents de 60 nds se creuse en milieu de semaine au nord de l’Irlande. Aurons-nous le temps de rejoindre les Hébrides, ou les Féroé, ou faut-il la laisser passer en attendant ici ou aux îles Vestmann. Nous allons étudier sérieusement les fichiers à venir, mais il n’est pas question de se mettre dans « la gueule du loup ».