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dimanche 18 septembre 2011

Retour Islande (Reykjavik) - Bretagne (Arzal) du 29 aout au 16 septembre

Ce lundi 29 août.

Après 2 jours d’escale à Reykjavik, nous reprenons la mer pour un retour en Bretagne, que nous souhaitons atteindre le 14 septembre prochain. Nous avons profité de cette escale pour nettoyer le bateau, faire le plein d’eau, nous avons encore 500 litres de gasoil, faire quelques réparations de coutures sur les voiles et compléter l’approvisionnement en produits frais.
Hier après-midi, Catherine, Pierre et Anne-Henri, en provenance de Paris ont rejoint le bord. L’équipage est au complet ; nous serons 6. Apéritif d’accueil dans une atmosphère joyeuse. Nous dînons à bord d’un bon sauté de porc aux légumes (courgettes et aubergines). Petite ballade avant d’aller dormir, histoire de visiter la grande salle de spectacle de Reykjavik, Harpa, une architecture contemporaine unique et splendide.

Harpa
Levé matinal car nous souhaitons appareiller à 8h00. Douche pour tout le monde. Je vais télécharger les derniers fichiers Grib pour affiner notre route. La douane passe à bord pour enregistrer notre départ et enlever les scellés sur le coffre à alcool. C’est avec 1 heure de retard sur notre prévision, soit à 9h00 que nous larguons les amarres. Il ne pleut plus. En absence de vent nous ferons route au moteur. Très vite des dauphins viennent nous souhaiter une bonne navigation jouant à l’étrave d’Algol. Ce sont de gros dauphins noirs et blancs.
A l’appui des nouveaux fichiers météo nous refaisons une simulation de notre route. Les points noir sont les journées du 1er et 2 septembre au cours desquelles nous allons subir, au sud-ouest des Féroé,  des vents de 35 nds au près, nous contraignant à faire le dos rond, ou à abattre sur les Féroé, solution qui rallonge notre route et se traduit par une suite de navigation toujours au près vers les Orcades puis l’Ecosse, sans oublier les forts courants qui sévissent  dans ces parages. Ça ne réjouit pas l’équipage ! Les fichiers météo ont cependant évolués. Je propose de réétudier la route directe sur l’Irlande en passant à l’ouest de la dépression. La météo m’a toujours passionné. Dans ce cas, il faut laisser la dépression se décaler vers l’est pendant 2 jours et partir ensuite. Le premier projet est donc remis à l’ordre du jour, c’est-à-dire faire une escale de 2 jours aux îles Vestmann. Nous appareillerons donc le 1er ou le 2 septembre, au plus tard, avec des vents maniables, car portants, certainement un peu forts, situation beaucoup plus confortable pour l’équipage et Algol, même si nous aurons certainement une grosse mer. A choisir entre près ou vent arrière, le choix est vite fait. L’objectif est donc d’atterrir à Dingle, au sud-ouest de l’Irlande vers le 7-8 septembre. Après il nous faudra 4 jours pour rejoindre Arzal. Nous referons un point demain avec de nouveaux fichiers.

En attendant nous contournons la pointe sud-ouest de l’Islande en espérant ne pas se faire accueillir par un petit coup de vent au près à Reykjanes, et une mer hachée contre le courant de marée.
Pointe de Reykjanes, au sud-ouest de l'Islande
En milieu d’après-midi, tout l’équipage est sur le pont ; un troupeau d’orques épaulard côtoient Algol pour notre plus grand plaisir. Nous en dénombrons 7. Beau spectacle.
Il fait de plus en plus beau, le soleil chauffant le bateau ; nous avons 18° à l’intérieur, du jamais vu depuis bien longtemps !!! Nous naviguons au moteur car vent dans le nez, 12nds. Le bateau roule beaucoup. Catherine, Anne-Henri et Alain font la sieste. Jean-Baptiste bricole sur le pont et Pierre s’instruit à la table à carte.
Le temps se couvrant très rapidement, le baro chutant, et le Navtex annonçant un vent frais pour cette nuit nous projetons de nous arrêter ce soir dans le port de pêche de Grindavik afin d’éviter une nuit de quart, au près, toujours fatigante. Nous irons dans ce cas aux Vestmann demain (12h de navigation à partir de Grindavik), avec en plus des vents plus favorables si on s’en tient au fichier Grib.
Mercredi sera une journée visite, randonnées et piscine aux Vestmann pour appareiller, en pleine forme,  jeudi en fin de matinée pour l’Irlande. Voici notre dernier scénario. On en fait des simulations !
A 19h30 nous embouquons le chenal du port de Grindavik. 4 grandes jetées brise-lame protègent ce port, et des alignements lumineux, sur fond de triangles orange fluo nous guident. On imagine comment ça doit être par gros temps l’hiver.  Le guide nautique mentionne que l’accès de ce port est dangereux, ce qui explique la qualité du balisage, feux, secteurs, perches. C’est un port de pêche et de commerce ou petits cargos et gros chalutiers se côtoient. C’est contre un grand quai protégé par deux rangées de pneus que nous amarrons Algol.

Port de Grindavik
Le vent monte et très vite une bruine épaisse nous enveloppe. Un vrai temps de novembre chez nous !!
A la cuisine ! Au menu, potée et saucisses. Nous sommes tous biens contents d’être à l’abri plutôt que d’être en train de tirer des bords.
A 23h tout le monde est couché. Le vent frais mentionné dans le bulletin du Navtex est bien là, contrairement aux fichiers Grib !
Ce mardi 30 août.
Lever 7h pour un appareillage à 8h. Après une nuit venteuse et pluvieuse le temps semble s’être calmé. Cependant le vent est toujours sud-sud-est, c’est-à-dire dans le nez pour aller aux Vestmann.
A la sortie du chenal du port de Grindavik nous envoyons la GV, tribord amure, mais c’est au moteur que nous progressons. La houle est très désagréable et remue bien Algol. Les portes claquent, un pot de confiture se renverse, … le capitaine n’est pas content.
Jean-Baptiste nous fait un cours sur l’utilisation du radar alors que le brouillard s’installe, réduisant la visibilité à moins d'1 milles. Nous mettons l’alarme de veille en route.
Déjeuner dans le carré pour tous les 6. Soupe avec le reste de potée de hier soir, macédoine de légumes mayonnaise, jambon blanc, fruits.
La journée est longue ; le temps passe doucement. Nous progressons péniblement face au vent, peu fort heureusement (12nds), et malmenés par 2 houles croisées, une de SE et l’autre de SW. Il pleut. La moitié de l’équipage dort. Jean-Baptiste et Pierre jouent au bergamone.
Quelques fulmars et fous de bassans accompagnent Algol. Nous croisons des navires de pêche, sans les voir ; on les localise sur le radar ou grâce à l’AIS. Ça occupe.
Je veille dehors mais très vite l’humidité me transperce la peau. J’ai froid.
Je rentre et me couche dans ma cabine dans mon duvet et sous la couverture. Je vais dormir 2h1/2.
A 19h30, toujours pas de visibilité, nous sommes à 4 milles de l’île et nous commençons à sentir son effet, la mer s’aplatissant un peu. Le vent forcit rapidement, la GV bat. Nous sommes pressés d’arriver avant le coup de vent annoncé.
Jean-Bap, Pierre et moi affalons la GV. On ne traîne pas sur le pont, on est trempé le temps de la manœuvre. Pierre, du haut de ses 25 ans et avec son expérience de régatier semble un bon équipier, en bonne forme physique. C’est une première impression, et si elle se confirme l’équipage s’en voit renforcé  et mieux armé pour la navigation à venir.
Nous apercevons la côte à 2 milles.
Anne-Henri est aux fourneaux ! Oignons revenus embaument le carré et réchauffent l’atmosphère. Au menu ce soir, rosbif et haricots verts, crème de marron-surmjolk (fromage blanc liquide islandais). Dehors le ciel est bouché, il pleut. Nous sommes mieux au port, à l’abri. Nous prendrons les fichiers Grib demain matin.

Ce mercredi 31 août.
Port d'Heimaey aux îles Vestmann
Journée à Heimaey. Temps pluvieux, absence de visibilité nous empêchant d’envisager une quelconque ballade sur le volcan. Rangement, repos pour certains, courriers internet, analyse météo et bien sûr pour finir la journée et être bien propre, la piscine. Bains chauds, 38 à 42°, toboggans, hammam, détente. Et en plus il y a une connexion wifi à la piscine. Super !
Ce jeudi 1er septembre.
Encore une journée bloquée par le coup de vent. Nous sommes au nord-est d’une dépression qui se creuse, soit sur le front chaud et humide. Il pleut sur les îles Vestmann. Il y a peu de touriste!
Nous déplaçons le bateau pour nous amarrer au ponton gasoil en fin de matinée. La pompe est en panne. A défaut nous faisons le plein d’eau et très vite nous nous déhalons de nouveau vers notre place initiale, contre le quai des chaluts, la marée descendant et au risque de s’échouer. Nous avons encore des gros coefficients de marée avoisinant les 100.
Nouvelle fin d’après-midi à la piscine, après avoir fait les dernières courses d’approvisionnement.


Phare d'entrée du port d'Heimaey


Ce vendredi 2 septembre.
Appareillage à 7h20. Nous contournons l’île de Heimaey par le nord-ouest en longeant les hautes falaises. Le temps est gris et le vent d’est souffle à 20 nds. Sur notre passage de nombreux macareux s’envolent. C’est amusant de les voir.
C’est sous yankee 2, trinquette et GV à 2 ris que nous mettons la route au sud. Nous passons à l’ouest de l’île Surtsey, sortie de l’eau le siècle dernier. La mer est forte et nous subissons une houle de sud-ouest.



A 10h40, un bruit sourd au niveau du safran fait sortir Jean-Baptiste de sa cabine. Tout de suite le bruit de rotation de l’alternateur sur l'arbre d’hélice cesse. Ouverture du compartiment machine : l’arbre d’hélice s'est désaccouplé de l’inverseur et a glisser jusqu’au presse-étoupe, entraînant une grosse voie d’eau.
A l’aide d’un chiffon et d’un gant, Pierre maintient une forte pression sur le presse étoupe pour réduire la voie d’eau. La pompe de cale ne veut pas démarrer. Anne-Henri et Alain écopent à l’aide de 2 seaux que Catherine vide dans le cockpit. J’affale le yankee 2 et la GV en catastrophe et Jean-Baptiste met le bateau à la cape sous trinquette et artimon. Jean-Bap décide de plonger pour voir les dégâts et essayer de repousser l’arbre d’hélice. Je l’assure avec une écoute qu’on ceinture autour de lui. Il descend dans l’eau par l’échelle du tableau arrière. La température de l’eau est de 10°, trop froid pour plonger sans combinaison. De plus la houle secoue dangereusement le bateau qui avance trop vite, même à la cape,  On abandonne, Jean-Baptiste remonte à bord.

Nous décidons de remettre en route vers le bord afin de rejoindre un port, Grindavik ou les Vestmann. Le fait d’avancer réduit la pression de l’eau au niveau du presse-étoupe réduisant ainsi l’entrée d’eau. Je relais Pierre au presse-étoupe mais très vite mon bras tétanise. Il faut trouver une solution pour colmater la fuite. Les écopeurs étalent la fuite (ils évacuent environs 400 litres d’eau). A l’aide d’un verre que j’enfile comme une cloche sur le presse-étoupe et que je cale par des cales de bois en appui contre l’inverseur, la fuite s’arrête.

Nous renvoyions la GV à 1 ris et le yankee 2 pour faire route au nord. Jean-Bap contacte les Atlantic Coast Guards (équivalent des CROSS chez nous) afin de les informer de la situation et les informe que nous rejoignons sous voiles les îles Vestmann distante de 17 milles.
Le vent tombe complètement et à 15h20 nous amenons les voiles, Algol encalminé et ballotté par la houle. Nous prenons la décision de demander un remorquage et appelons de nouveau les Atlantic Coast Guard. A 16h30, les coast guard nous confirment l’appareillage de Hemaey du canot de sauvetage. A 17h20 le canot de sauvetage est sur zone et nous prend en remorque, à l’aide d’une aussière que nous amarrons autour du guindeau. A 17h30 nous sommes en route, remorqué, à une vitesse de 7 nds.

A 20h00 nous entrons dans l’avant-port d’Heimaey. Le canot de sauvetage vient s’amarrer à couple sur bâbord afin de nous guider dans le port. Opération délicate et brutale en raison de la houle. Un morceau de liston sautera dans l’opération. A 20h30, nous sommes amarrés au ponton gasoil, sous la pluie.


L’étanchéité semblant tenir, nous décidons de réparer demain matin. Le baro chute au plus bas, à 982hp, le centre de la dépression à 979hp étant quelques milles au sud. Elle devrait se combler doucement sur place, sans générer de vent du fait de la présence de 2 autres dépressions, 1 au nord et 1 au sud. C’est cette dernière que nous voulons négocier si nous arrivons à partir rapidement après la réparation.
Nous dînons rapidement du sauté de veau aux légumes, carottes-pommes de terre que nous avions préparé à l’avance et nous allons nous coucher, fatigués de nos émotions, en espérant trouver une solution demain pour réparer cette avarie.
Ce samedi 3 septembre.
Objectif de la journée : réparer pour repartir au plus vite, si possible.
Le beau temps est avec nous.
Il faut remonter l’arbre d’hélice dans le tube d’étambot et l’enfoncer dans le presse-étoupe pour stopper la voie d’eau puis ré accoupler l’arbre à l’inverseur.
Équipé d’une combinaison de survie et d’un masque je plonge sous la coque afin de positionner un bout pour tirer l’arbre vers l’avant. En plongeant je constate, ce que nous pensions, qu’une pale de l’hélice est venue buter contre l’aileron du safran, bloquant ainsi l’arbre. La pale de l’hélice est déformée au niveau de l’impact, et par chance elle s’est bloquée en évitant ainsi à l’arbre de sortir plus, situation qui aurait été beaucoup plus grave. Alors que Jean-Baptiste et Alain tirent sur le bout vers l’avant du bateau, je débloque l’hélice et la fait tourner avec mes pieds afin de réengager l’arbre dans le presse-étoupe. Pierre retire le verre, et Anne-Henri et Catherine actionne une pompe électrique que nous avons montée ce matin pour assécher au fur et à mesure de l’opération.

Opération réussie. OUF de soulagement. Nous retrouvons la clavette et l’écrou défectueux. Jean-Baptiste fera le tour des ateliers du port en vain pour trouver un nouvel écrou ; nous sommes samedi et on peut lui en usiner un lundi, trop tard. Nous remontons l’ancien au frein filet. Je nettoie la cale machine après assèchement complet des fonds par le reste de l’équipage.
A 16h00 nous sortons faire des essais en mer ; essais concluants hormis une petite vibration générée certainement par l’impact sur la pale de l’hélice.
Je reprends les fichiers météo, et au vu du beau temps prévu pour les 24 heures à venir, nous décidons d’appareiller ce soir même pour l’Irlande.
Nous appareillons à 19h30 pour une nuit de navigation au moteur. Nous contournons les ïles Vestmann par le sud-ouest et les admirons dans le soleil couchant. Le ciel est magnifique. Nous distinguons bien les côtes sud Islandaises et le fameux volcan recouvert de son glacier.



Nous signalons notre départ aux Atlantic Coast Guards, ces derniers nous demandant de les rappeler par iridium dans 12h, chose que nous ferons, afin de leur communiquer notre position. Jean-Baptiste nous cuisine une de ses recettes préférées, dinde au curry et crème fraîche avec du riz. La mer est calme, et une houle de sud-ouest balance Algol d’un bord sur l’autre. Les sets de table sont de rigueur !
Ce dimanche 4 septembre.
Je fais mon quart avec Catherine de 1 à 4h00, le quart le plus dur et de nuit cette fois-ci. En effet plus nous descendrons et plus la nuit sera longue. Le soleil se couche vers 21h pour réapparaître vers 5h30. Le ciel va progressivement se couvrir et nous aurons quelques pluies intermittentes. A 7h00 Jean-Baptiste appelle comme convenu les Atlantic Coast Guards et leur transmet notre position. Prochain RDV tél dans 12h, tant que nous sommes dans leurs eaux de surveillance, nous supposons. Ils veulent aussi savoir si notre réparation tient.
Dans la matinée de vent s’établira d’ouest en forcissant doucement jusqu’à 20 nds. Nous établissons toute la toile, c’est-à-dire GV, artimon, yankee1 et trinquette. Nous ferons une belle journée de voile, au bon plein tribord amure, avec des vitesses allant jusqu’à 8 nds, jusqu’à ce que le vent refuse et tombe dans la soirée.

Nous affalons le yankee et la trinquette et mettons en route au moteur sous GV et artimon. Nous avons parcouru 138 milles au cours de ces premières 24h. Nouvel appel aux Atlantic Coast Guards. RAS ; nous les rappellerons quand nous arriverons à Dingle.
Nous reprenons des fichiers météo Grip par iridium pour affiner notre stratégie de route. Demain nous traverserons un centre dépressionnaire peut actif et nous subirons une renverse de vent par le sud pouvant monter à 15-20nds. L’objectif est de se positionner au plus vite dans le quart sud-ouest de cette dépression pour avoir enfin des vents portants, assez forts, qui devraient nous accompagner jusqu’en Irlande. Nous décidons de mettre un peu d’ouest dans notre route ; cap au 200 au lieu de 180. La route directe est 140°.
Beau couché de lune, premier quartier, entre les nuages dans l’étrave d’Algol. A la fin de mon quart, 19-22h00, j’affale la GV avec Jean-Baptiste car elle porte mal.

Ce lundi 5 septembre.
Je débute la journée par mon quart, 4h-7h00. Nous avons passé la nuit au moteur.
A 4h10 j’affale l’artimon car la voile bat, face à un vent faible de sud.
Le soleil se lève entre les nuages et nous avons droit à un joli ballet de dauphins à l’étrave d’Algol pour commencer cette journée.
La rotation du vent se confirme et nous pouvons établir la GV bâbord amure, toujours appuyé au moteur car le vent est trop faible. Il est difficile de définir parfaitement la vitesse de déplacement du centre dépressionnaire associé à notre route au 200. Cependant les éléments observés sont cohérents : le ciel se couvre, la pluie arrive, le baro chute de 1hp toute les 2 heures et le vent tourne doucement au sud-ouest.
Petit à petit l’équipage se réveille à son rythme et les petits déjeuners se suivent, le dernier à le prendre étant Anne-Henri à 10h30. Jean-Baptiste et Pierre jouent au bergamone, les autres lisent et moi je pianote sur mon clavier d’ordinateur.
Dans la journée nous passons sous le 60ème degré de latitude nord.
En milieu de matinée nous établissons toute la toile, le vent s’établissant à l’est et forcissant rapidement à 20nds. Algol reprend son rythme à 7-8nds et, plus stable sur sa route, bien qu’il tape beaucoup dans les vagues, apporte un peu de confort à l’équipage. Cependant ce bord sera de courte durée, le vent faiblissant de nouveau en fin d’après-midi alors que nous traversons le centre dépressionnaire. La tendance du baro à 986hp s’inverse. Les Grib donne un dépression à 984hp. Au-dessus de nous un petit carré de ciel bleu et au-dessus de l’horizon, sur 360° de très beaux nuages, strato-cumulus. Un cas d’école !
Nous sommes contraints à remettre en route au moteur car les voiles battent trop. Jean-Bap écrit sur le journal de bord : « houles croisées résiduelles et merdiques ». Très vite nous affalons les voiles, laissant Algol reprendre son roulis rythmique si désagréable.
Petite journée de navigation avec seulement 122 milles ces dernières 24h.
Au menu ce soir, rougaille aux saucisses avec riz, crème de marron-skÿr (=fromage blanc). L’équipage n’a pas grand faim ce soir, et depuis le départ des Vestmann, apéro et vin de table ont un peu disparu de la table du carré. Seul Anne-Henri s’accorde une bière pour accompagner certains de ses repas.

Réception de nouveaux fichiers Grip et analyse. Un nouveau centre dépressionnaire stationnaire, donc sans vent, va nous barrer la route dans 36 heures, même scénario que ce que nous venons de vivre des dernières 24h. Nous qui rêvions de grands surfs au portant jusqu’en Irlande, nous sommes déçus. Mais les prévisions semblent peu fiables et très changeantes depuis 3 jours.
Je fais mon quart de 22h à 1h du matin. La nuit est très noire. Nous voyons des dauphins qui dessinent un beau sillage argenté dans l’eau ; petit plaisir minuscule, intense, pas racontable.
La rotation du vent se poursuit par le nord laissant présager du vent portant pour demain. En route directe nous sommes à 547 milles de Dingle avec une ETA dans 4 jours ½.

Ce mardi 6 septembre.
Il est 00h50, je vais réveiller Jean-Baptiste pour son quart, Alain vient de se lever.
Je vais me coucher. Prochain quart à 7h00. N’arrivant pas à dormir, je lis, couché dans ma bannette, un polar « Coke en Wrac’h » de Jean-Jacques Appéré. Ça me rappelle ma transat en solo au cours de laquelle je bouquinais beaucoup, surtout au près. A 4h00 je me lève 5 minutes. Anne-Henri et Pierre, de quart, sont dans le carré. A 6h00 je regarde l’heure. A 7h00 Anne-Henri me secoue pour me réveiller ; là je dormais profondément.
Tout le monde sur le pont, sauf Alain qui dort, pour envoyer la toile. Le vent à tourner au NW à 15-20nds. Nous envoyons la GV à 1 ris tribord amure et tangonnons le yankee1. Enfin au portant ! Dur dur de manœuvrer à peine réveiller. J’ai mal partout, et tout est dur et lourd sur ce canot.
Le soleil, entre les nuages, donne à l’océan des couleurs superbes. Une belle houle de NW nous soulève par l’arrière et entretien notre roulis rythmique d’un bord sur l’autre. L’océan est très beau. Nous sommes un peu sous-toilé, ayant pris 1 ris en anticipation d’un renforcement du vent, que nous attendons. Algol roule encore beaucoup et des grains se profilent apportant vents et pluie. Ce n’est pas encore le grand confort !


Le vent s’établit à 20nds dans le NW, nous permettant ainsi de faire enfin route directe, à bonne allure, sur l’Irlande, Dingle, ou Belle Île ; c’est le même cap. Le ciel s’éclaircie nous offrant de son bleu une belle luminosité qui réchauffe l’intérieur du bateau. Nous en profitons pour ouvrir certains panneaux de pont et aérer le bateau.  L’océan est majestueux, avec une belle houle de 2 à 3 mètres.
Tout l’équipage semble bien amariné, alors que les mouvements d’Algol restent encore brutaux. Pas question de ne pas se tenir, et de poser quelque chose sur la table sans napperon antidérapant. Nous prenons le café en terrasse et je passe beaucoup de temps dans le cockpit à regarder l’océan et le ciel.
Je pétris la pâte à pain pour faire 3 pains. Nous aurons bien sûr droit aux incantations d’Anne-Henri afin que la pâte lève au mieux !!!



Incantations d'Anne-Henri pour lever la pâte!!!


Faute d’alternateur sur arbre d’hélice nous mettons le groupe électrogène en route et faisons sa vidange moteur.
20h00 : nouveaux fichiers météo Grib ; la tendance de hier soir est confirmée, 2 nouvelles dépressions nous barrent le passage. Il n’est plus question de faire route directe sur Dingle, en Irlande, de très forts vents de sud-ouest annoncés nous forceraient à faire route à l’est à défaut de tirer des bords face au mauvais temps. Le moral de l’équipage chute à l’idée de ne pas faire d’escale en Irlande voir de faire route directe sur la Bretagne, alors que le baro remonte doucement. Nous allons jouer avec les dépressions !
Nous faisons le choix de faire route plein sud. A la manœuvre, nous détangonons le yankee1 réglant les voiles vent de travers tribord amure.
Bilan des dernières 24h00 : 142 milles parcourus.
Sous un ciel étoilé, avec un beau clair de lune, quartier, le vent forcit jusqu’à 30nds et Algol « s’ébroue » à plus de 9 nds. Les vagues aspergent le pont avant.

Ce mercredi 7 septembre.
Ce jour commence, à minuit 10, par une manœuvre d’affalage de la GV, le vent forcissant à 35 nds. Algol trace sa route sous Yankee1 seul. Très vite le ciel se couvre et la nuit devient très noire.
Je suis de quart, avec Catherine, de 01h à 04h00 !
La pâte a levé, aussi je profite de mon quart pour pétrir 3 pains dans les moules à cake et à les enfourner. Opération pas évidente dans ces conditions de mer, des paquets de mer venant s’écraser sur le roof d’Algol. Ça sent bon dans le bateau.
Même s’il n’est pas facile de trouver le sommeil en raison du bruit de la mer et du vent et des mouvements brutaux du bateau nous apprécions tous le confort d’Algol ; Catherine se lavera même la tête et prendra une douche chaude ce matin (elle a 62 ans !).

Heureusement, hier matin, nous avons resserré toutes les fermetures des panneaux de pont et enduit les joints de vaseline. Bilan, plus aucune fuite d’eau, à part une petite au panneau de descente.
En fin de matinée le vent faiblit un peu à 25 nds nous permettant de renvoyer la GV à 1 ris. Le baro continue sa progression vers le haut, pas pour longtemps, le ciel s’éclaircie et le vent faiblit.
Déjeuner de purée-saucisses et fruits.
En milieu d’après-midi Algol arbore de nouveau toute sa garde-robe, on renvoie trinquette et artimon, avec du soleil en prime.

Anne-Henri profite de ce calme relatif  pour cuisiner un sauté de veau aux légumes (courgettes, aubergines, poivrons, oignons, ail), de quoi embaumer et réchauffer l’atmosphère du bord. Il fait 17° dans le bateau, 12° sur le pont (à l’abri du vent). Pour moi c’est lecture dans ma bannette. Je lis «Les enfants de la liberté » de Marc Levy. L’occupation principale de l’équipage est la lecture, le carré se transformant souvent en salon de lecture. L’équipage est très calme et l’atmosphère détendue. Catherine et Pierre écoutent aussi de la musique avec leur MP3.
Distance parcourue ces dernières 24h : 157 milles, bien, mais ces milles ne nous rapprochent pas de notre destination, nous naviguons à 60° de la route directe.

Réception et interprétation des nouveaux fichiers météo. Jean-Baptiste écrit dans le journal de bord « avenir pas rose ». Les centres dépressionnaires que nous traversons vont s’unir en une seule dépression dans 48h et générer des vents forts. L’objectif est d’atteindre le quart sud-est de celle-ci le plus rapidement afin d’avoir, enfin, des vents portants en route directe jusqu’à l’arrivée. Arrivée que nous prévoyons au mieux le 14 septembre. Nous faisons donc route au 200, vent de travers à bonne allure, 7nds. Pour l’instant il faut encore faire route au sud en s’éloignant encore un peu de la route directe. Heureusement que nous n’avons pas fait route directe sur l’Irlande. A cette heure-ci nous nous ferions cueillir par des vents très forts de sud, au près, contraints de forcer le passage ou de capeyer.
Ce soir j’ai fait le quart du coucher de soleil et levé de lune, 19-22h00, demain je ferai celui du lever du jour, 4-7h00. Le ciel est étoilé et il y a un beau clair de lune. Algol n’est pas trop secoué.

Ce jeudi 8 septembre.
5ème nuit de mer. Encore 5 au mieux avant d’arriver en Bretagne sud. Je dors bien de 22h15 à 3h00. A 4h00 je prends mon quart. Le temps se radoucit subitement, le vent tombant rapidement. En 1h le ciel se couvre complètement et une petite pluie mouille le pont.
A 5h00 je réveille jean-Baptiste afin qu’il m’aide à affaler les voiles qui battent en absence de vent. Catherine aux drisses, moi aux guindants et Jean-Baptiste aux chutes. 15 minutes de manœuvres pour affaler et ferler les 4 voiles ; ça réveille et je suis trempé de transpiration !! Nous faisons route au moteur, toujours au 200 pour essayer de contourner par l’ouest une dépression qui est encore à 120 milles dans le sud-sud-ouest. Algol se remet à rouler.
6h30, le soleil se lève sur l’horizon qu’il colore de rose pale. Les nuits rallongent vite. J’éteins les feux de navigation.
Je profite du calme relatif pour prendre une douche et me laver les cheveux ; première douche depuis notre départ des Vestmann ! L’eau est tiède. Ça fait le plus grand bien.
Très vite le ciel se couvre et la pluie arrive suivi du vent qui va se lever rapidement à 10, 15 puis 20nds en tournant à l’est. Le baromètre entame une chute rapide, nous confirmant que nous faisons route vers le centre dépressionnaire.
A 9h50 je réveille Jean-Baptiste pour rétablir la voilure bâbord amure. Et c’est parti pour 15 minutes de musculation et d’équilibrisme sur le pont et sous la pluie. Jean-Baptiste dans le cockpit et Pierre et moi sur la plage avant. Algol accélère à 8-9nds pour le plaisir de tous.
Nous reprenons des fichiers Grb pour confirmer notre position par rapport à la dépression et affiner notre route. Toujours la même question : quand allons-nous pouvoir obliquer notre route vers l’est-sud-est pour rentrer à la maison ?
Au cours de l’après-midi le vent refuse en faiblissant, nous bordons, nous abattons et nous finissons par relancer le moteur pour appuyer GV et artimon. Il n’est pas question de perdre du temps. Nous affalons Trinquette et yankee1. Je vais avoir des bleus partout à force de me cogner sur ce pont métallique !
Cette navigation n’est pas de tout repos psychologiquement, bien que très instructive du point de vue météo. Nous zigzaguons entre les masses d’airs. La brume s’installe réduisant notre visibilité. Nous croisons des souffles de baleines à tribord.
Mon quart de jour est terminé ; il est temps d’aller bouquiner ou dormir un peu.
Le temps change très vite. Le brouillard s’installe ; nous mettons le radar pour visualiser surtout les grains, plus que les navires. Les nuages chargés d’électricité apparaissent très bien à l’écran en de grosses tâches rouges.
Bilan de ces dernières 24h : 135 milles, progression pénible.
Au menu tartiflette avec oignons-crème fraîche et reblochon, bien sûr. Le four réchauffe le bateau ; nous avons chaud, il fait 20° !
Je fais le quart 22h-01h00.
Nous forçons la route au moteur toujours dans le but de négocier cette dépression qui grossit. Le baro chute de façon spectaculaire mais attendue, avantage des fichiers Grib de nos jours.

Ce vendredi 9 septembre.
Un cargo de 294m, en route pour Charleston, croisera notre route à 19 milles derrière ; il avance à 21nds.
A 1h00 je renvoie la GV à 1 ris avec Jean-Baptiste et nous abattons un peu en quête de confort pour l’équipage ; le bateau cogne, faisant route dans le centre de la dépression, sous la pluie et dans le brouillard. C’est le front chaud. En effet, il fait 18° dans le bateau, tout fermé y compris les boîtes à dorade.
Le baromètre chute de plus 1hp par heure. Il donne 984hp à 7h00 quand je prends mon quart. Le centre dépressionnaire, à 981,2hp se trouve à 170 milles dans le 220° ; il va se creuser à 978 en se déplaçant dans le NEE rapidement. Cela laisse présager des vents très forts dès qu’il amorcera sa remontée. Notre objectif est d’être à ce moment-là, soit dans 18h à peu près dans son quart SW afin de bénéficier de vents portants.
Le baro chute au plus bas, à 978hp ; ça y est nous sommes au centre de la dépression. Le soleil perce les nuages et un carré de ciel bleu apparait au-dessus du bateau. Route au sud, au moteur, en attendant la renverse du vent à l’ouest. C’est une question de patience. La mer reste grosse avec une houle de face de 3m environ.
En milieu d’après-midi, Jean-Baptiste et moi profitons de l’accalmie pour préparer le bateau à affronter les vents forts à venir. On plie le yankee1 et la trinquette que nous rangeons dans la soute avant. J’endraille le yankee2 (45m2), prêt à être envoyer, préparons le tourmentin que l’on établira sur l’étai de trinquette si nous devons capayer ou fuir, préparons le gréement du tangon, ferlons bien l’artimon. Il nous restera à prendre le 2ème ris dans la GV dès que le vent rentrera. Les lignes de vie sont à poste, tout est OK.
Nouvelle analyse des nouveaux fichiers Grib ; tout coïncide et nous sommes bien positionnés par rapport à la dépression. Nous faisons des hypothèses de routes et de vitesses. Dans le meilleur des cas nous arriverons en Vilaine le 14 septembre au soir, et pour cela il ne faut pas que le vent nous abandonne sur l’arrivée, un régime de NE anticyclonique semblant s’installer dans quelques jours.
Le vent tourne à l’ouest en fin d’après-midi, nous permettant de faire la route directe au 125°. Nous naviguons dans le brouillard.

Ce qui ne nous empêche pas de prendre un apéro « en terrasse », dans le cockpit !! 
A 19h nous envoyons le yankee2, établissons le tangon et prenons le 2ème ris dans la GV par anticipation de la manœuvre de tangonnage du yankee de nuit et du renforcement du vent.
106 milles parcourues ces dernier 24h sur la route fond et -30 milles sur la route directe !! ; petite journée !!

Ce samedi 10 septembre.

Ce jour débute avec mon quart, de 1h à 4h00. La mer est forte et Algol est bien balloté. Yankee2 tangonné, tribord amure, donc sous-toilé,  nous attendons le renforcement du vent.
A 3h00 le vent forcit rapidement et monte en 1h à 35nds puis 40nds. Nous reprenons des fichiers météo Grib pour confirmer notre position par rapport à la dépression ; il s’agit du retour du cyclone Irèna, ce qui explique son diamètre impressionnant sur l’atlantique.
3h30 ; bruit brutal ; sortie express dans le cockpit : le chariot du tangon sur le mât  s’est cassé, le tangon bat sur le pont, pliant 3 chandeliers et la voile bat fortement. Jean-Baptiste prend la barre.  Empannage brutale de la GV avec rupture de la retenue de bôme. Éclairés par le projecteur de pont, nous affalons la GV en urgence puis Pierre et moi sur la plage avant nous battons avec le tangon pour l’immobiliser et le ranger sur le pont, puis amenons le yankee dont la bordure s’est déchirée.
Nous envoyons le tourmentin tribord amure. La mer est grosse et le vent forcit encore au-dessus de 50nds.
Répit de courte durée, le point d’écoute du tourmentin s’arrache brutalement ; nous voilà à sec de toile.
Moteur en route à 1200 tr/mn, nous étalons et maintenons notre cap en barrant.
5h30, le baromètre remonte en flèche, le vent forcit avec des rafales à 55-60nds. La mer blanchit ; très beau spectacle.



Jean-Baptiste et moi nous relayons à la barre, 1h chacun, et cela jusqu’à 7h 30 le lendemain, soit pendant 26 heures. 1 équiper à tour de rôle aussi, harnaché dans le cockpit, comme nous,  nous tient compagnie et observe les vagues. Poussé par les vagues Algol fera des surfs à plus de 14nds créant deux belles moustaches à son étrave. Il suffit juste de garder Algol sur une route bien perpendiculaire aux vagues !
A 16h00, une vague plus grosse que les autres vient éclater sur le tableau arrière, plaquant Jean-Baptiste contre la barre à roue, il tordra la barre, soulevant Alain devant la descente,  inondant le cockpit, et la descente, l’eau rentrant dans le bateau. Les planchers sont trempés, le congélateur prend l’eau, générant un court-circuit. Il ne redémarrera pas. Ma cabine est aussi bien mouillée.
En fin de journée le vent commencera à faiblir au-dessous de 45nds.
Nous reprenons des fichiers météo Grib : mauvaise nouvelle, une nouvelle dépression très creuse venant de l’ouest, retour du cyclone Katia, arrive sur notre route générant des vents de 40nds GRIB, traduisez 50nds réels, pour 36 heures. Quand allons-nous souffler ?
La nuit est claire, la lune nous offrant un bel éclairage. L’océan est majestueux avec une belle houle de 6 à 8 mètres, peut-être un peu plus. On s’habitue au bruit du vent et de la mer. Avec Jean-Baptiste on se relaie toujours à la barre allongeant progressivement notre temps de barre à 1h30, ce qui offre plus de temps de repos aussi. Sur 1 heure de quart de repos, nous arrivons à dormir 20 minutes, le reste du temps étant consacré à l’habillage et le déshabillage (ciré, bottes, harnais), à la table à carte, et à la restauration. Catherine reste dans le carré afin de nous réveiller régulièrement l’un et l’autre. Quel contraste entre l’intérieur du bateau, calme et reposant et l’extérieur si agité !
Ce dimanche 11 septembre.
A 1h45 le vent faiblissant à 35nds nous envoyons la trinquette tribord amure.

A 7h30, nous pouvons de nouveau confier le bateau au pilote automatique. Jean-Baptiste et moi allons dormir.
A 10h nous envoyons la grand-voile à 2 ris et préparons l’artimon à 2 ris en vue d’une possible mise à la cape si le vent forcit trop.
A 12h le vent forcit de nouveau à plus de 40nds, le baromètre entame une chute impressionnante, 1,5hp par heure, nous affalons la GV et abattons pour soulager la trinquette et le bateau.
Une nouvelle vague s’autorise une visite par la descente, côté table à cartes cette fois-ci. Heureusement l’ordinateur est éteint et clavier et souris sont à l’abri. La cabine arrière est trempée, un hublot de roof n’étant plus étanche. Pendant quelques jours Jean-Baptiste abandonnera sa cabine.
Le brouillard s’établi, nous mettons le radar en route, plus pour repérer les grains que les éventuels bateaux ; nous sommes seuls ici !
Sous trinquette et pilote le bateau garde bien sa route, faisant quelques embardées.
20h00. Le vent s’établit à 50nds avec des rafales à 60nds. Le baromètre se stabilise avant d’attaquer sa remontée significative  de vent. La mer grossit. Nous prenons de nouveaux fichiers météo. La nuit sera musclée avec des vents 40-50nds (GRIB !!!) devant faiblir demain en fin de matinée.
Je propose à Jean-Baptiste de rester tous les deux habillés en ciré et de dormir dans le carré pendant cette nuit, afin d’intervenir rapidement en cas de problème. Ma crainte est la déchirure de la trinquette, la rupture de la drisse, ou autre.

 Ce lundi 12 septembre.
Le ciel est couvert, la mer est très grosse et le vent souffle avec des rafales à 55nds.
A 00h20, le pilote automatique se déconnecte sans raison. Je saute dans le cockpit pour prendre la barre. Le bateau part au lof et remonte sur une houle impressionnante. Je tourne la barre sans effet à l’ombre de cette montagne d’eau. Tout semble trop long dans ces moments. Les commandes réagissent de nouveaux, et Algol retrouve son cap. Jean-Baptiste et moi allons de nouveau nous relayer à la barre toute les heures et demie. Nous verrons la cause de la panne du pilote après la tempête.

Soudain, alors que Jean-Baptiste est à la barre, Algol part dans un surf infernal. Il battra tous ses records de vitesse en atteignant les 21,13nds, sous trinquette seule par plus de 50nds de vent. A noter !
Le feu de navigation pend en tête de mât, par son fil électrique, la patte de fixation ayant cédée.
Indépendamment du vent et de la mer toujours grosse, nous avons une belle fin de nuit étoilée sous une belle pleine lune puis les lueurs rosées du soleil naissant. La lune nous guide énormément pour barrer sur cette mer, de même que la constellation Orion au-dessus de l’étrave.
A 7h30, nous trouvons la cause de la panne du pilote auto, une connexion électrique qui a pris l’eau lors des grosses vagues, et remettons en route.
A midi le vent faiblit et semble se stabiliser à 30nds. Nous envoyons le Yankee2, malgré sa bordure déchirée, et amenons la trinquette.



Le baromètre est remonté à une vitesse impressionnante, 18hp en 12 heures.
Nous prenons de nouveau fichier météo. Alors que nous venons d’essuyer 2 tempêtes. Un anticyclone s’installe à l’approche de la France et il semblerait que le vent nous fasse défaut les derniers 200 milles. Nouveau souci : nous n’avons pas assez de gasoil pour parcourir cette distance au moteur (nous n’avons pas pu faire du gasoil aux Vestmann, la pompe étant en panne). Nous espérons cependant atteindre Loctudy afin de faire du gasoil.


Sur le barographe : Iréna et Katia, les 2 dépressions tropicales

En attendant le vent souffle encore à 30nds et la mer reste forte.
En milieu d’après-midi nous renvoyons la grand-voile à 1 ris. Algol démarre tout de suite à 7-8nds avec des pointes à 10nds.
Nous rangeons le pont, et nettoyons les fonds après avoir écopé au seau, à l’écope et à l’éponge environ 300 litres d’eau.

Bilan des dégâts matériels :
Bordures Yankee1 et Yankee2 déchirées; tourmentin hors d’usage, point d’écoute arraché; trinquette : 4 œillets de mousqueton sur guindant arrachés; grand-voile : 4 sanglages des charriots intermédiaires arrachés; 3 chandeliers tordus : redressés; charriot de tangon arraché; fixation retenue de bôme cassée : réparée; congélateur inondé hors d’usage; chargeur-convertisseur : fonction chargeur en panne; barre à roue : à redresser; hélice : impact du choc sur une pâle à redresser; support de l'alternateur sur arbre d’hélice HS; pompe de cale en panne; liston bois à réparer : morceau arraché à recoller,…

164 milles parcourus ces dernières 24 heures.
Apéro en terrasse puis dîner de poissons Haddock au four avec tomates et citron accompagnés de pommes de terre cuites à l’eau.
Nous croisons nos premiers bateaux, 8 chalutiers d’un coup pêchant sur la sonde de 200 mètres.
Je suis crevé ; à peine mon quart fini à 22h je vais me coucher.

Ce mardi 13 septembre.
Le vent a faibli à 25nds avec cependant encore des pointes à 38nds sous les nuages. La nuit est superbe, éclairée d’une belle pleine lune.
Pendant son quart Jean-Baptiste pétrit la pâte à pain. Pendant le mien, de 4h à 7h00 j’enfourne 3 pains ; ça sent bon dans le carré.
Au lever du jour des marsouins viennent jouer à l’étrave d’Algol, toujours un moment agréable dont on ne se lasse jamais.
Une belle houle de 3-4 mètres persiste, le vent, toujours à force 6, s’essouffle un peu, les crêtes bien blanches des vagues se découpent sur un fond bleu profond ; c’est beau.

8h00 : manœuvre sur le pont. Nous amenons le Yankee2, envoyons le Yankee1 et affalons la grand-voile. Je gère mal l’ordonnancement de la manœuvre et affale trop tôt la GV alors que nous ne sommes pas assez près du vent. Les lazy coincent la GV, un ponté de lazy s’arrache de la bôme. Rien de grave mais du désordre dans la manœuvre qui n’est pas belle, éreintante et transpirante sous nos cirés.
Je prends une douche chaude, un petit moment de détente et de bien être !
Le bateau se transforme vite en séchoir ; nous sortons toutes les affaires mouillées pour les faire sécher au vent et au soleil de cette journée.
On sort du congélateur, définitivement en panne, tous les produits que nous pouvons manger ou cuisiner. Du travail pour le cuistot, Anne-Henri, aidé de Catherine.
Bon déjeuner de croquettes de poissons accompagnées de purée et salade (choux chinois), fruits avec carrés de chocolat !
Nous mettons le groupe électrogène en route pour charger les batteries. Nous veillons les premiers cargos.
La houle persiste et la bordure du yankee1 se déchire, sur un mousqueton certainement, à force de battre.
Le vent mollissant à 12-15nds dans l’après-midi, nous amenons le yankee1 et envoyons le reacher (105m2) bâbord amure. Nous n’arrivons pas à faire la route directe faute de ne pouvoir tangonner la voile d’avant (charriot de tangon cassé) et renvoyer la grand-voile. Nous nous appuyons sur le moteur à 1200 trs/mn pour stabiliser le reacher qui bat au moindre coup de roulis.
Je vais dormir de 16 à 18h.
Journée de 147 milles.

Nouvelle nuit étoilée et très belle lune.




Quart de 22h à 1h00. Je me concentre sur la route, à quelques degrés près, pour maintenir le reacher gonflé et propulsif. Catherine cuisine des poissons au court bouillon pour demain. Quelques dauphins viendront nous faire un petit coucou.

 Ce mercredi 14 septembre.
Je réveille Jean-Baptiste et Alain à 1h30. Ils dorment profondément tous les deux !
Le vent mollit à 12 puis 8nds. Empannage à 2h00 pour essayer de rester sur la route directe, pour finalement amener le reacher à 5h40 et désormais faire route au moteur, à bas régime pour économiser le gasoil, le souhait étant d’atteindre Loctudy. Nous faisons des contrôles de niveau du réservoir, faisons des estimations de consommation, de vitesse et de temps pour se rassurer. Nous ne voulons pas nous retrouver encalminés à quelques milles de la côte, la météo annonçant une absence totale de vent pour ce jour.

Journée détente pour tous. Lecture, sieste, jeu de bergamone sur le pont.  Apéritif dans le cockpit à midi, au soleil, en tee-shirt avec casquettes ; il y avait longtemps !

Traversée du rail des cargos au sud-ouest d’Ouessant. Nous croisons de gros cargos, porte-containers de 300m, transports de véhicules haut comme des immeubles de 10 étages, pétroliers… et de nombreux pêcheurs.

126 milles ces dernières 24h.
Début de nuit avec très beau levé de lune mais vent nul.



Nous apercevons le phare de la chaussée de Sein  et Armen, le phare de Sein en guise d’accueil.

 Ce jeudi 15 septembre.
Contrairement à la prévision météo le vent rentre de l’est à 3h du matin et forcit rapidement à 18 nds et plus. Impossible de faire route au moteur en route directe face au vent et une mer agitée. Alors que nous sommes au sud de Penmarch’, Jean-Baptiste, Pierre et moi envoyons la GV, le Yankee1, la trinquette et l’artimon. Jean-Baptiste écrit « Eole nous joue des tours ! ».
Grand-voile à 1 ris nous tirons un bord au sud des Glénans. Le vent continuant à forcir, nous affalons la GV, progressant au près sous yankee1 et artimon. Algol est bien équilibré. Nous barrons. De crainte d’abimer un peu plus le guindant de la trinquette (manque 4 mousquetons) nous l’affalons.
A 9h45 nous revoyons la GV à 2 ris, pour avancer contre un vent de 25-28nds.

Au sud des Glénans nous devons par deux fois nous dérouter pour éviter deux chalutiers.
En fin de matinée, dans l’ouest des Glénans, le vent faiblissant, nous renvoyons toute la toile. La mer s’aplatit un peu. Déterminé à faire avancer Algol à la voile, faute de gasoil, nous affalons le Yankee1 que nous remplaçons par le génois, manœuvre réalisée lors d’un virement.
A 15h00 le vent nous abandonne nous contraignant à faire route au moteur sur Lorient. Là nous sommes sûrs de trouver une station de carburants.
Escale technique à Lorient, à la pompe à carburants du port de Kernevel, juste le temps de prendre 100 litres de gasoil pour assurer notre retour sur Arzal sans crainte de désamorcer la pompe du moteur et de tomber en rade ! Nous faisons quelques pas sur la terre ferme, les premiers après 12 jours de mer.
A 18h40, c’est sous moteur que nous reprenons notre route vers Arzal, sortant par le chenal est. Pas question de traîner, nous voulons passer l’écluse de 8h00 demain matin.
134 milles parcourues ces dernières 24h, pas toujours en route directe en raison des bords tirés au près.
Passage de la Teignouse à 23h30 (heure TU) après avoir pris le passage le plus court, à l’étale de basse mer.
Je vais me coucher après cette petite journée de  milles.

Ce vendredi 16 septembre.
Belle nuit, quelques nuages et toujours la lune fidèle à son RDV. Au sud-est nous apercevons des orages qui déchirent le ciel sur l’horizon.
Arrivée à l’embouchure de la Vilaine à 4h45 TU.
A 5h30 nous voilà amarré dans le sas de l’écluse. Amis et familles viennent nous accueillir.

Passage de l’écluse puis amarrage au quai. Ça-y-est, Algol a retrouvé sa place après 3 mois et demi de navigation. Petit pincement au cœur, le 7 juin dernier nous larguions les amarres de ce même quai.
Eliane est là pour nous accueillir avec croissants et pains au chocolat pour agrémenter un petit déjeuner à bord entre amis. Il y a subitement beaucoup d’animation à bord, les aventures d’Algol sur la route du retour étant le sujet principal.
Douches à terre, que du bonheur, rangements, débarquements d’affaires et nourritures, nettoyage.

Bilan de cette navigation retour Reyjkavik-Arzal : 1880 milles soit 56% de plus que la route directe, 1200 milles. 12 jours et 9,2 heures de mer des Vestmann à Arzal pour 1698 milles soit une moyenne de 5,75nds, avec un maxi à 21,13nds tout de même !