Nous voilà en route
vers les côtes nord du Spitzberg avant d’entamer le retour vers la Norvège par
la côte est via le détroit d’Hinlopen.
Tout change, s’accélère. Le soleil est plus bas et descend
un peu plus tous les jours vers l’horizon. Les rayons sur l’eau reviennent. Le
soleil passant derrière les montagnes, les vallées retrouvent l’ombre, et le
froid nocturne revient.
Après une visite
culturelle dans la ville fantôme de Pyramiden, premières escales dans la
magnifique baie du Roi, à Ny-London puis à Ny-Alesund avant de rejoindre la
baie de la Madeleine sous un temps magnifique.
Très belles chutes de
glace sur le front du glacier du Roi.
Deux baleines nous
offrent un beau ballet devant Ny-Alesund,
(©Laurence Artaud) |
Une ourse et son petit
se nourrissent d’un morse échoué sur la grève.
15 août à midi :
Nous quittons enfin la côte ouest que nous avons explorée pendant plus de 2 mois (arrivée le 8 juin au sud du
Spitzberg).
16 août ; séquence
émotion : passage du 80ème degré de latitude nord et entrée
dans l’océan arctique à 9h38 ! Vent nul et houle croisée. Plus de carte
électronique au-dessus de cette latitude ; retour à la méthode ancienne avec tracé de nos routes
sur la carte papier.
Atterrissage sur l’île
de Moffen, îlot de sable et de graviers de 4 à 5 Km de diamètre présentant une
lagune intérieure qui abrite des colonies de morses.
Morses de Moffen |
Cap sur l’entrée du
détroit de Hinlopen. Un vent de face forcissant rafraîchit vite la température
sur le pont. Nous retrouvons les températures négatives.
Navigation dans le
fjord de Murchison, une très belle baie constellée d’îles rocheuses dominées
par une calotte glacière et offrant une belle navigation dans des eaux claires
et des roches colorées. Cependant le temps se gâte, apportant vent et
pluie, nous bloquant dans un mouillage
au pied d’une calotte glaciaire.
Fjord de Murchison carte papier |
Pas de carte électronique! |
Mouillage devant la calotte glaciaire des îles du NE |
Le 18 août, nous nous
engageons dans le détroit de Hinloppen après 24h bloqués dans le fjord de
Murchisson. Le brouillard se lève, tout est calme, quelques icebergs dérivent
doucement, les fulmars nous accompagnent et nous croisons un grand rorqual.
Fulmars |
Grand rorqual |
Nous passons devant
Alkefjellet, superbe falaise aux oiseaux au sud du cap Fanstrawe : orgues
de basalte qui culminent à environ 230 m d’altitude et abritent l’une des plus
grandes colonies de l’archipel, environ 120 000 couples de Guillemots de
Brünnich et mergules.
A 100 m de la falaise,
avec des fonds marins de plus de 50 m, nous assistons à un merveilleux
spectacle, impressionnant par le nombre d’oiseaux, le bruit et l’odeur.
Le détroit de Hinloppen
sépare le Spitzberg de la terre du Nord-Est sur environ 170 km et une largeur
de 9 à 46 km. Dans sa partie sud environ 40 îles et îlots présentent de très
belles formations basaltiques. Les calottes glaciaires qui s’y jettent en mer donnent des paysages remarquables et
grandioses.
Ces glaciers se forment
au départ des calottes ou des cirques montagneux pour couler en langues vers la
mer. On dénombre environ 3650 glaciers au Svalbard.
Les calottes glaciaires
du Svalbard ont entre 200 et 430 m d’épaisseur, contre 3100 m au Groenland et
4800 m en Antarctique.
Les paysages du détroit
de Hinloppen que nous empruntons sont d’une grande beauté, à vous couper le
souffle. L’immensité des glaciers, à perte de vue, émanant des différentes
calottes glaciaires est impressionnante. La diversité géologique du Spitzberg
nous offre des paysages très différents les uns des autres d’une côte à une
autre. Sur la côte est les paysages sont plus grandioses et plus sauvages dans
leurs formes les plus pures que sur la côte ouest.
Tommelbreen |
Moltkebreen |
Front du glacier Hochsetterbreen |
L’atmosphère générale
est surprenante. Nous sommes seuls.
Nous retrouvons le
froid, ressortant les moufles, les cagoules, les sur-chaussettes, … L’eau de
mer, libérée des glaces de la banquise il y a quelques semaines seulement est
glaciale (1°c).
Nous retrouvons les
glaces dérivantes, situation imposant une veille constante.
Nous retrouvons aussi
les courants marins avec lesquels il faut au mieux définir nos routes. Le seul
port de référence pour les horaires des marées est Longyearbyen sur la côte
ouest. A nous donc d’extrapoler les données avec nos observations pour définir
le sens et la force des courants. Nous avons 6 nœuds de courant dans le
Heleysundet par coeff. 70 de marée.
La navigation sur carte
papier est aussi indispensable, la cartographie électronique étant très
incomplète. Cependant il y a encore de nombreuses zones non cartographiées,
donc sans sonde pour nous. Prudence et patience s’imposent sur ces côtes.
Nous ne croisons que 4
bateaux sur la côte est, 2 scientifiques, L’Hydrographe et le Sigma, la
goélette hollandaise Noorderlicht et le bateau de passagers Ortélius
transportant aussi 55 scinetifiques dont une équipe d’archéologues hollandaise
étudiant l’implantation des trappeurs Russes sur ces côtes au 18ème
siècle.
En sortant du détroit
de Hinlopen nous nous engageons dans le détroit d’Heley pour rejoindre le
Storfjorden entre le Spitzberg et les îles de Barents et d’Edge. L’île de
Barents est recouverte d’une calotte glaciaire de 900 km2 et l’île
d’Edge est la troisième plus grand île de l’archipel des Svalbard.
Dans le Heleysundet
nous mouillons au fond d’un fjord magnifique, très bien protégé, nous
permettant ainsi de faire une belle randonnée à pieds.
Débarquement en annexe scabreux! |
En raison de la
présence d’un ours sur les berges et d’une accumulation de glace au fond de la
baie nous ne pouvons pas mouiller dans Sundbukta au sud de l’île de Barents.
Le Freemansund, détroit
entre l’île de Barents et l’île Edge est encombré de glaces dérivantes au grès
des courants montants et descendants assez forts.
Nous rejoignons un
magnifique mouillage au sud du Cap Lee, sur l’île Edge, sur le site de
Dolerittneset. Glace dans le mouillage, toundra colorée, falaise, cimetière de
morses, cabanes de trappeurs norvégiens, vestiges de constructions russes du 18ème
siècle et colonie de morses sur la plage font de ce mouillage un havre
magnifique et exceptionnel. Nous avons le temps d’en profiter avant l’arrivée
d’un brouillard épais accompagné d’une chute du baromètre et d’un vent de
sud-est frais et humide. Il fait froid, au-dessous de 0°c, l’eau est à 0°c
aussi et les rayons de soleil ne réchauffent plus.
Soleil de minuit |
Le dimanche 23
août nous quittons le Spitzberg pour la Norvège à 450 milles plus au sud.
Le soleil se couche
pour la première fois depuis 4 mois, et nous passons sous le 78ème
degré de latitude.
Le coup de vent de
sud-est de cette nuit associé au courant montant vers le nord a poussé vers
nous une belle barrière de glace, résidu de banquise bien disloquée composée
d’épaisses plaques de glace. Nous devons nous frayer un passage pour rejoindre
l’eau libre et mettre enfin le cap au sud. La progression est laborieuse et
très lente, 3h pour parcourir 1 mille !
Nous passons. Cap sur
la Norvège et au revoir au Spitzberg.
La banquise |
Tricotage dans la banquise |
Passer du froid au
chaud, de la glace à l’eau libre, du noir, marron, blanc au vert, bleu et
rouge, du jour à la nuit, … en 4 jours de traversée de la mer de Barents, la
transition est brutale !
Après un peu moins de 4
jours de navigation et 500 milles (926 km) nous atterrissons sur l’île d’Arnoya
au nord des alpes de Lyngen en Norvège. Après la barrière de glace, c’est dans
un épais brouillard que nous naviguons lentement pendant 2 jours. Puis un vent
d’est nord-est, soufflant à 25-30 nœuds, vient enfin accélérer le rythme de
cette fin de traversée en nous poussant à vive allure et dégageant le ciel. La
température de l’eau remonte à 10°c, facilitant immédiatement les manœuvres sur
le pont ; les cordages s’assouplissent. Cette première nuit nous offre de
belles aurores boréales, spectacle toujours aussi fascinant et magique. Le beau
temps semble s’établir et la chaleur est bienvenue.
Passagers clandestins! |
Tour du Spitzberg |
Après un dernier mouillage
à l’île de Sandholmen dans les fjords vers Tromso, nous arrivons à Tromso ce
vendredi 28 août. Notre dernière escale à Tromso était le 28 mai dernier.
Le baromètre amorce une
belle descente et le ciel est annonciateur de pluie.
Mouillage d'Arnoya |
Mouillage de l'île Sandholmen |
Arrivée à Tromso |
Entrée dans le port de Tromso |
Appareillage pour la
Bretagne lundi.