Nous voici à Reykjavik, en Islande, après une belle
traversée de 3 jours depuis Sermiligaaq, petit village de la côte est du
Groenland. Grand beau temps, splendides aurores boréales, ciel étoilé, vent faible
(5 à 15 nds), houle (bien agitée les premières 24h) ont agrémenté cette
navigation. La température de l’eau passe de 2° à 9°, notre dernièr iceberg
nous salut à 80 milles (150 km) des côtes groenlandaises, des baleines nous
font un signe timide de leur jet et de leur queue, les globicéphales et les
fulmars nous accompagnent dans le détroit du Danemark (ou mer du Groenland) et
nous retrouvons les gros chalutiers islandais et féroïens pêchant dans les
grands fonds.
Côte Groenlandaise
Dernier iceberg
Aurore boréale
La dernière semaine au Groenland est marquée par
deux grosses tempêtes qui nous immobilisent dans des mouillages. Bloqués dans
un petit mouillage dans le fjord Johan Petersen, ceinturé de rochers et à
l’abri du Nêrernat-tivaq (634m), un vent froid de nord-ouest descendant
directement de l’Inlandsis* nous retient pendant 24h, les yeux rivés sur notre
anémomètre (vent à plus de 45 nœuds) et notre sondeur. Le mouillage est de
bonne tenue.
*L’inlandsis, calotte glaciaire qui recouvre
les neuf dixièmes du Groenland, domine les fjords de plus de 1000 mètres, et
s’écoule lentement en d’immenses glaciers qui alimentent eux-mêmes les fjords
en glaces dérivantes et en eau douce.
Très vite le temps change de nouveau et c’est au
mouillage (70m de chaîne dans 10m d’eau, artimon à 2 ris pour stabiliser le
bateau) dans le fjord d’Ikatek, en face de l’ancienne base américaine, que nous
laissons passer la deuxième tempête, ce dimanche 1er septembre. Pluie,
neige au-dessus de 400m, vent fort et clapot secouant notre voilier animent
cette journée d’attente.
Notre mode de pensée d’Europe occidentale
fonctionne tout simplement avec des « parce que »,
« because », … Au Groenland, face à une situation exigeant une décision
claire ou une explication, alors c’est un autre mot qui s’impose
toujours : « imaqa »,… peut-être. L’expression de la nature
environnante explique-t-elle de cette prudence ?
Notre dernière journée au Groenland nous offre le
spectacle magnifique des chutes de pans de glaces de 30 mètres de haut alors
que nous longeons le front du glacier Rasmussen.
C’est toujours avec la même émotion que je quitte
cette région du Groenland que j’ai fait mienne pendant 40 jours. Cette dernière
semaine est automnale avec ses nuits de 6 heures, le pont gelé au petit matin,
les linaigrettes s’étiolant, la neige saupoudrant les montagnes, ses éclairages
particuliers, son temps changeant très rapidement, les lumières des petits
villages ressemblant à celles de nos crèches provençales, … Tout semble
éphémère comme les aurores boréales dans le ciel, les glaciers qui relâchent
des morceaux de glaces énormes qui dérivent, changent de forme et de couleurs
au grès de leur voyage et disparaissent, la glace de mer qui immobilise le
paysage au lever du jour, …
C’est un pays où « Dame Nature » est magique !
Alors que nous progressions dans la glace face à
l’Inlandsis un équipier s’exprimait : « encore un peu plus et nous
sommes au milieu de nulle part ! »
Mouillage de Sangmileq
Tasiilâq
Tasiilâq
Tiniteqilâq
Mouillage d'Ikateq
Glacier Karale
Glacier Karale
Sermiligâq
Quant à la population de cette côte, les
descendants des eskimos racontés par Paul-Emile Victor, son évolution anime nos
discussions quotidiennes dans le carré. Il n’y a plus d’eskimo ! L’époque
ou un phoque apportait à la famille du chasseur nourriture, lumière, chaleur et
vêtements, ou d’une seule action réussie tout le reste découlait, est belle et
bien révolue.
La colonisation Danoise, malgré les aspects
positifs que nous pouvons observer (éducation, soins, habitat, …) a cependant
apporté le moteur du monde occidental, celui de créer des besoins et faire payer pour leurs satisfactions et ses
aspects négatifs (alcoolisme, assistanat, consommation, perte de d’identité, …)
Les eskimos avaient-ils envie de cela et que restera-t-il de leur propre
culture?
Appareillage pour la France lundi 9 septembre. Une
partie de l’équipage débarque à Reykjavik ce jour et c’est à 6 que nous
continuons notre navigation vers la Bretagne. Nous avons 3 jours pour faire
l’approvisionnement en vivres frais, les révisions habituelles du moteur
(vidanges, changement des filtres), lessives et contrôle du gréement, sans
oublier les moments de détente dans les bains chauds des piscines de Reykjavik.
Nous étudions de près les fichiers météo et
construisons des scénarios de routes. Escale ou pas aux îles Vestmann, passage
par l’Ecosse ou l’Irlande, route directe, … ?
Arrivée à Arzal prévue le 27 septembre.